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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi
Autoren: Mireille Calmel
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Tobias.
    Ayant compris à quel point Mary Oliver indisposait son fils, lady Read s’arrangeait toujours pour que l’enfant soit occupé à ses leçons quand Tobias venait. De fait, Mary s’appliquait à son instruction avec une belle ténacité. Si elle l’avait fait au début pour plaire à sa mère et à lady Read, son esprit curieux s’en était vite régalé. Elle dévorait livres et leçons sans se faire prier. Elle avait grandi en vigueur et en connaissance, pas en vertu. Elle chapardait toujours avec le même plaisir gourmand.
    Malgré ses quatorze ans, elle gardait un buste si plat qu’elle n’avait aucune peine à jouer les garçons. Quant à son entrejambe, qui eût pu en faire douter, Cecily lui avait enseigné à rouler un morceau de tissu dans ses culottes pour le grossir et faire illusion. Elle s’était aussi entraînée à descendre le timbre de sa voix dans les graves, de sorte qu’on eût pu penser que celle-ci avait mué, et s’y était tant habituée qu’elle le faisait désormais naturellement.
    Elle avait renoncé à ses cours d’équitation pour plaire à Cecily qui, inquiétée par sa première chute, lui avait fait jurer de ne pas recommencer, prenant pour argument que la noblesse se déplaçait en carrosse et les pauvres à pied, et que les cavaliers n’étaient bons qu’à se faire remarquer.
    Pour ne pas se voir également privée de cette discipline qu’elle adorait, Mary lui avait soigneusement caché les jeux de lutte et d’épée auxquels elle s’adonnait avec son maître de combat.
     
    — Fendez-vous davantage, mon garçon ! insista celui-ci en taquinant la lame de Mary du plat de la sienne.
    Depuis plus d’une demi-heure, Mary s’escrimait contre lui sans parvenir à le faire plier. Elle était en nage.
    — C’est assez, déclara-t-il en baissant sa garde.
    Mary lui en sut gré. Elle avait la gorge sèche et se précipita vers une console pour avaler un verre d’eau.
    — Sir Tobias ! entendit-elle le maître d’armes s’exclamer.
    — Maître Dumley, le salua Tobias, qui, passant dans le corridor, n’avait pu résister à sa curiosité en entendant le cliquetis des lames. Vous voici toujours vert et efficace, à ce que je vois. Dommage que vous ayez affaire à pareil empoté, ajouta-t-il, méchant et méprisant.
    Mary serra les doigts sur l’étain de son gobelet. Elle s’attendait à ce que son instructeur la défende. Non seulement il n’en fit rien mais déclara tout net :
    — Vous fûtes un élève incomparable, Tobias. La gloire de ma carrière. Comment pourrait-on comparer ?
    — Je n’y tiens pas, lâcha Tobias sèchement. Le talent ne vient qu’aux gens bien nés, vous le savez parfaitement. Je vous laisse poursuivre.
    — Dieu vous garde, Tobias, le salua le maître d’armes.
     
    Mary n’avait pas bougé. Elle était blanche de colère. Elle ne laisserait pas à son oncle l’occasion de l’humilier encore. Elle se retourna, la mâchoire serrée, et se mit en garde.
    — Je suis remis, monsieur, siffla-t-elle, le regard empli d’une envie de tuer.
    Maître Dumley s’en étonna un instant puis, comprenant l’objet de sa motivation soudaine, jugea en connaisseur que l’instinct de Mary s’en était fortifié. Sa posture était correcte, son poignet bien mieux placé qu’auparavant.
    Il décida de vérifier cette intuition qui lui venait. Il se mit en garde à son tour, affichant un sourire méprisant, et lâcha :
    — J’aimerais le croire, Oliver, mais je crains que Tobias Read n’ait raison. Vous êtes bien pitoyable à côté de ce qu’il fut capable de me donner.
    Le sang de Mary l’emporta en avant et elle trouva cette lame qui la narguait avec toute l’énergie de sa haine.
    Il n’était plus question de jouer. L’homme le comprit aussitôt. Oubliant l’envie de lui plaire, Mary brettait à présent sans réfléchir, découvrant des réflexes, des sensations qu’elle avait à peine ébauchés.
    — C’est tout ? la nargua maître Dumley, tout en pensant le contraire.
    La furie de Mary s’en décupla et l’homme, acculé par cette épée qui ne lâchait plus la sienne, cherchant les ouvertures qu’il laissait avec une maîtrise impressionnante, découvrit l’élève le plus doué qu’il ait jamais rencontré.
    Il décida pourtant d’y mettre un terme. Jouant d’une botte secrète qu’il avait mise au point peu de temps auparavant, il enroula sa pointe autour de celle de Mary et fit s’envoler
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