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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi
Autoren: Mireille Calmel
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son sabre pour le récupérer par la garde dans sa main gauche avant qu’il touche terre.
    En moins de temps qu’il n’en fallut à Mary pour réaliser qu’elle était désarmée, les deux épées se trouvaient pointées contre sa poitrine.
    Stupéfaite, sa colère retomba soudainement.
    — Comment diable avez-vous fait ? s’exclama-t-elle.
    Maître Dumley lui sourit et répondit, avec une admiration non feinte :
    — Je vais vous enseigner, Mary Oliver. Mais auparavant il me faut m’excuser pour avoir sciemment égratigné votre orgueil. Vous venez de me révéler ce que j’avais pressenti sans pourtant le vérifier jusque-là. Vous êtes extraordinairement doué.
    — Autant que mon oncle ? demanda Mary, sentant naître en elle un souffle de victoire.
    — Bien davantage, avoua maître Dumley en baissant la voix.
    Il se détourna d’elle et s’en fut refermer la porte que Tobias avait laissée ouverte en les quittant. Il n’avait aucune envie que celui-ci surprenne ce qu’il voulait ajouter.
    — Vous le haïssez, n’est-ce pas ? demanda-t-il à Mary dans un souffle.
    Elle hocha la tête. Mentir aurait été ridicule après ce qui venait de se produire.
    — Bien. Vos raisons m’importent peu. Ce qui est essentiel est de savoir ce qui vous fait réagir et agir. Servez-vous de votre haine désormais, et je ferai de vous en peu de temps une des meilleures lames de l’Angleterre.
    — Tobias connaît-il cette botte ?
    Maître Dumley eut un petit sourire orgueilleux.
    — A part vous, Oliver, personne ne la connaît. Elle est ma signature. Vous en êtes plus digne qu’aucun autre de mes élèves et, puisque vous serez le dernier, ce sera vous qui l’apprendrez.
    Mary l’en remercia, se rengorgeant de cet honneur qu’il lui faisait, s’appliquant chaque jour davantage à le mériter et nourrissant sa haine envers Tobias de tous les commérages que Jenny colportait à son sujet.
    Elle apprit ainsi que Tobias avait finalement obtenu la clientèle du roi d’Angleterre, Guillaume d’Orange. En quelques années, il était devenu un des plus riches et convoités sujets de Sa Majesté. Comme ses clients, il recrutait ses maîtresses dans les plus hauts rangs de l’aristocratie.
    Il faisait commerce avec l’Europe mais aussi avec les Indes occidentales, se servant de sa respectable activité pour se livrer à de nombreux et fructueux trafics de marchandises diverses. L’individu avait gagné en prestance et suffisance, mais, pour Mary, il devint le symbole même de ce qu’elle devait tuer pour exister.
     
    Cecily, en revanche, était rayonnante. Elle avait perdu son emploi de femme de chambre et s’en moquait, prétextant qu’elle avait bien assez travaillé pour se laisser maintenant entretenir, d’autant que Mary grandissant et satisfaisant sa grand-mère, la pension versée par celle-ci avait été confortablement réévaluée.
    Mary lui avait appris à lire et lui portait régulièrement des livres qu’elle empruntait discrètement dans la bibliothèque de lady Read. Jenny, quant à elle, récupérait des pelotes de laine délaissées pour qu’elle puisse s’adonner au plaisir de tricoter. Chaque soir, dans leur chambre, leurs retrouvailles prenaient la saveur d’une fête.
    La seule tristesse de Cecily lui venait de la peur de vieillir. Elle tombait régulièrement amoureuse et se désespérait de ses amants qui l’abandonnaient dès qu’elle espérait davantage de considération. Elle avait beau rêver d’un homme qui l’installerait, aucun ne pouvait se satisfaire longtemps de son caractère excessif qui, s’il les comblait, eût pu faire scandale pour une peccadille dès lors que Cecily aurait eu davantage de privilèges. Elle s’en consolait en se disant qu’elle vivait ses plus belles années et que sa fille, dressée comme un homme, saurait bien, son instruction achevée, subvenir à leurs besoins.
    Car Cecily n’épargnait aucun penny.
    Elle prenait pour prétexte que Mary, élevée dans le luxe de la demeure de lady Read, pouvait fort bien se lasser de leur médiocrité. Tout l’argent était donc consacré à sa mise, à leurs repas et à une chambre digne de son état de protégée.
    Mary la rassurait d’un baiser. Elle avait beau grandir et s’éduquer, jamais elle n’aurait pu s’écarter de cette mère dont l’amour valait mieux que toutes les prisons dorées.
     

3
     
     
    Tobias Read descendit de sa voiture pour s’avancer, fier de son
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