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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi
Autoren: Mireille Calmel
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femme dont la beauté égalait la cruauté.
    Emma s’approcha de lui à le frôler et passa un doigt sur ses traits durcis.
    — Mary a bon goût, je le reconnais, glissa-t-elle.
    Niklaus eut le sentiment que tout son univers basculait.
    Il répéta, abasourdi :
    — Bon sang, mais qui êtes-vous ?
    Elle s’écarta de lui et extirpa de son sein la lettre que Mary avait écrite à Corneille. Elle la lui passa sous le nez.
    — Comme si tu l’ignorais, cher, très cher Niklaus, toi qui étais prêt à suivre Mary pour me détrousser.
    Niklaus pâlit, serrant les dents sur sa stupidité.
    — Emma…
    Il ricana, désabusé. Il n’aurait jamais dû se laisser attacher. Comprenant qu’il n’avait plus rien à perdre, il tenta de gagner du temps.
    — Lequel est Tobias que je puisse enfin faire la connaissance de ma belle-famille ? demanda-t-il, se forçant à se calmer.
    — Tobias ? Tu veux parler de mon cher mari. Oh ! je comprends, Mary l’ignorait bien sûr, tout occupée à s’amouracher de ta belle figure. Non, vois-tu, Niklaus, Tobias est mort. Je l’ai tué pour une seule et unique raison. Il a eu le tort de se mettre entre Mary et moi.
    — Elle ne reviendra pas, tenta Niklaus, comprenant désormais le sort qui l’attendait.
    Il pouvait encore sauver Mary, Junior et peut-être Ann. Quel imbécile, ragea-t-il contre lui-même. Jamais il ne s’était rendu sans combattre. Il s’en voulut amèrement d’avoir hésité. Mary, elle, ne l’aurait pas fait. Elle serait morte l’arme à la main s’il l’avait fallu, plutôt que de se résigner. Craignant pour Ann, il n’avait pas osé. Emma de Mortefontaine avait fort bien joué.
    — Ma femme m’a quitté, affirma-t-il.
    Emma le gifla à la volée, l’œil noir. Il ne broncha pas d’un pouce.
    — Pour qui me prends-tu, Olgersen ? Mary, te laisser ? Abandonner sa fille ? Allons donc, éructa-t-elle. Elle crève d’amour pour toi, pour elle, tant que c’en est à vomir. Et pourtant tu ne lui suffisais pas, pas davantage que je ne lui ai suffi, puisqu’elle priait son ancien amant de se joindre à votre quête, ajouta-t-elle en lui balayant la lettre sous le nez.
    Niklaus tiqua. Mary ne lui avait pas parlé de cette missive. Il en comprit aussitôt la raison. Il n’aurait pas accepté qu’elle l’écrive. Emma jubila de l’atteindre. Il s’empara de l’argument pour tenter de la fléchir :
    — C’est à cause de lui que nous nous sommes disputés. Ann était trop petite pour entreprendre cette folie que Mary voulait. Elle m’a menacé de rejoindre Corneille avec Junior. Je ne l’ai pas crue. Elle ne reviendra pas, répéta-t-il. Elle est bien trop orgueilleuse pour cela.
    Emma en fut un instant ébranlée. Elle connaissait assez Mary pour imaginer que ce fût vrai.
    — Je ne vous veux aucun mal, continua Niklaus, le regard adouci en la voyant déstabilisée. Vous voulez Mary ? Je vous la laisse. Vous l’avez vu, je ne risquerai pas la vie de ma fille pour la retrouver. Laissez-nous en paix, Emma.
    Celle-ci demeura un moment à le fixer en silence, jouissant de sa haine comme jamais elle ne l’avait fait. Elle s’avança vers lui, un sourire cruel aux lèvres.
    — Tu te trompes, Niklaus. Elle reviendra. Elle reviendra parce que je sais lire entre les lignes. Mary t’aime plus que tout, je le sais. Et cela, je ne pourrai jamais, jamais, le lui pardonner.
    Elle releva son pistolet et le plaqua entre les deux yeux du Flamand. Tout ce qu’il entendit fut le cri d’Ann Mary avant de s’affaisser.
     
    *
     
    M ary se dressa d’un bond dans son lit, le visage en sueur, et le cœur battant la chamade, incapable de se souvenir du cauchemar qui l’avait réveillée, et cependant si présent que le malaise persistait. Comme si une part d’elle-même venait de lui être arrachée.
    À côté d’elle, Junior ronflait, les bras autour de la miniature de bois que l’acheteur de l’auberge trouvé la veille lui avait offerte pour sa sœur. C’était un cheval habilement sculpté dans un morceau de chêne.
    Mary avait annoncé son prix et Junior avait ajouté, en tendant un doigt vers l’objet :
    — Et aussi ça !
    — Tope là ! avait accordé l’homme en riant.
    Junior n’avait plus lâché son jouet depuis que l’acquéreur le lui avait donné.
    Mary se leva discrètement pour aller boire. Sur une console près de la porte d’entrée de la chambre, un pichet d’eau fraîche attendait, à côté d’un
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