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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi
Autoren: Mireille Calmel
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répondre.
    — Ça fait très, très longtemps. Et Junior aussi.
    — Junior est ton grand frère, c’est ça ?
    — Oui, répondit Ann en hochant la tête, s’éventant en faisant de comiques effets de poignet.
    — Et où sont-ils partis ? demanda encore Emma.
    La petite haussa les épaules.
    — Très, très, très loin. C’est pour le trésor, tu sais, chuchota-t-elle en confidence à Emma, se rapprochant d’elle, fière d’en imposer.
    — Un trésor ? répéta Emma.
    Ann Mary plaqua un doigt sur ses lèvres.
    — Chut ! C’est un secret.
    — Alors, déclara Emma, si c’est un secret. Tu ne sais pas quand rentrera ta maman ?
    — Non. Bientôt, a dit papa. Et papa a toujours raison.
    Emma en savait désormais assez pour prendre sa décision. Elle adressa un signe de tête à l’un de ses hommes.
     
    Niklaus s’avançait déjà sur le palier, prêt à redescendre après avoir couché le vétéran qui s’était effondré dans sa chambre. Le complice d’Emma se glissa au-dehors et d’un sifflement bref rameuta George et le reste de la troupe. Niklaus immobilisa son pas au milieu de l’escalier, pour tendre l’oreille. Il lui sembla avoir entendu siffler. Comme cela ne se reproduisit pas, il chassa la désagréable impression qu’il avait ressentie et ordonna au chiot qui, près de la dame et d’Ann, s’était mis à grogner :
    — Sage, Toby !
    Puis il s’avança vers elles, un sourire charmeur aux lèvres. Avant qu’il fût assez prêt pour riposter, Emma glissa un bras autour des épaules de la fillette pour la bloquer à ses côtés et, vive comme l’éclair, dégaina son pistolet et le lui posa sur la tempe, l’armant aussitôt.
    Ann poussa un cri de surprise davantage que de peur, tandis qu’à deux pas Niklaus s’était immobilisé, cueilli par la rapidité du geste autant que par son incongruité.
    C’est l’instant que choisirent George et ses hommes pour envahir la salle. Milia, qui s’avançait pour apporter les cailles, en lâcha le plat dont le contenu se répandit sur le sol, saisie d’effroi devant leurs mines patibulaires et leurs armes brandies.
    — Une audace, une seule, Niklaus Olgersen, et c’en sera fini d’elle, déclara Emma d’une voix calme.
    Inconsciente du danger, et surtout intriguée par tout ce mouvement, Ann se mit à gigoter pour se délivrer de la tenaille qu’elle jugeait désagréable. Niklaus, livide, s’en effraya aussitôt.
    — Ne bouge pas, Ann, ordonna-t-il.
    Pétrifiée par le timbre de son père, l’enfant se figea net, réalisant soudain que quelque chose de grave se produisait.
    — Qui êtes-vous ? demanda Niklaus, rageur de s’être laissé berner.
    Pour toute réponse, Emma fit un signe à ses hommes. Trois d’entre eux entraînèrent Milia dans l’escalier, lui promettant multiples réjouissances, quatre autres munis d’une corde s’avancèrent vers Niklaus. Emma de Mortefontaine venait de découvrir son visage, et la cruauté qu’il lut dans son regard tout autant que sa détermination l’empêchèrent de résister, malgré l’envie qui le tenaillait. Elle n’hésiterait pas un instant à mettre sa menace à exécution.
    Il se laissa attacher à un pilier, le cœur et l’âme écartelés, espérant que ces gens avaient besoin d’une cache pour quelques heures ou quelques jours et qu’en repartant on les laisserait en paix.
    — C’est fait, madame, déclara George.
    Niklaus le sentit à la corde trop serrée qui abîmait ses poignets. Elle était solidement liée. Emma écarta le pistolet de l’enfant, qui se mit aussitôt en devoir de la cogner de ses petits poings en criant :
    — Méchante, méchante !
    Emma se pencha sur elle, l’attrapa par les épaules et, la fixant d’un œil terrible, susurra :
    — Si tu veux revoir ta maman, petite peste, je te conseille de ne plus bouger !
    Ann en fut si impressionnée qu’elle se recroquevilla et cessa de geindre, de grogner et même de respirer.
    D’autant que Niklaus ordonna encore :
    — Obéis, Ann ! Tiens-toi tranquille.
    Ann le fixa et hocha la tête, le cœur battant la chamade, effrayée par le silence qui soudain était retombé, troublé seulement par les cris de Milia qui leur parvenaient par intermittence au milieu des râles des soudards.
    Niklaus pensa au vétéran affalé sur son lit. Le salut ne viendrait pas de lui. Il était bien trop abîmé. Il n’avait d’autre choix que d’attendre et de se soumettre à cette
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