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Les Seigneurs du Nord

Les Seigneurs du Nord

Titel: Les Seigneurs du Nord
Autoren: Bernard Cornwell
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battre, mais plutôt à arranger une
reddition, car ainsi il ne perdrait pas d’hommes. Il pouvait remporter la
victoire, il le savait, mais pour cela il perdrait entre soixante et
soixante-dix hommes, soit tout un équipage de navire et un prix élevé à payer. Mieux
valait laisser la vie à Guthred. Ivarr tourna son cheval pour lorgner Ragnar.) Tu
as d’étranges amitiés, seigneur Ragnar.
    — Il y a deux jours, annonça celui-ci, j’ai
tué Kjartan le Cruel. Dunholm est mienne désormais. Je crois que je devrais te
tuer, seigneur Ivarr, afin que tu ne tentes point de me la prendre.
    Ivarr fut surpris, avec juste raison. Il
regarda Guthred puis moi, comme s’il cherchait notre confirmation, mais nos
visages ne laissèrent rien paraître. Il haussa les épaules.
    — Tu avais querelle avec Kjartan, répondit-il,
c’était ton affaire et non la mienne. Je t’accueillerais en ami. Nos pères l’étaient,
n’est-ce pas ?
    — Ils l’étaient.
    — Alors nous devrions renouer leur amitié.
    — Pourquoi devrait-il se lier avec un
voleur ? demandai-je.
    Ivarr me considéra de ses yeux de serpent.
    — J’ai vu vomir une chèvre hier, et ce qu’elle
a rendu m’a fait penser à toi, dit-il.
    — J’en ai vu une chier hier, répliquai-je,
et ce qu’elle a lâché m’a fait penser à toi.
    Il ricana mais décida de ne pas poursuivre sur
le terrain des insultes. En revanche, son fils tira son épée. Ivarr leva la
main pour signifier au jeune homme que l’heure n’était pas venue.
    — Pars, proposa-t-il à Guthred. Pars loin
et j’oublierai que je t’ai jamais croisé.
    — L’étron de la chèvre m’a rappelé ta
personne, repris-je, mais son odeur m’a rappelé ta mère. Elle était fort âcre, mais
quoi de surprenant pour une putain qui enfante un voleur ?
    L’un des guerriers retint le fils d’Ivarr. Ivarr
lui-même me considéra en silence pendant un moment.
    — Je peux faire que ta mort dure trois
jours, me dit-il enfin.
    — Mais si tu rends ce que tu as dérobé, voleur,
et que tu acceptes que le bon roi Guthred juge ton crime, peut-être te
témoignerons-nous quelque merci.
    Ivarr parut plus amusé qu’offensé.
    — Et qu’ai-je volé ? demanda-t-il.
    — Tu montes mon cheval et je veux qu’il
me soit rendu maintenant.
    Il flatta l’encolure de Witnere.
    — Quand tu seras mort, dit-il, je ferai
tanner ta peau et j’en ferai une selle pour pouvoir passer le reste de mes
jours à te péter dessus. (Il se tourna vers Guthred.) Pars, pars loin et
laisse-moi ta sœur en otage. Je te laisse quelque temps pour retrouver raison, sinon
nous te tuerons, conclut-il en tournant bride.
    — Couard ! criai-je. (Il ne releva
pas et dirigea son cheval vers le mur de boucliers.) Tous les Lothbrok sont des
couards. Ils s’enfuient. Qu’as-tu fait, Ivarr ? Tu pisses dans tes braies
par peur de mon épée ? Tu as fui devant les Scotes, et maintenant tu fuis
devant moi !
    Je crois que ce fut de parler des Scotes qui
toucha un point sensible. L’énorme défaite était encore un pénible souvenir
pour Ivarr, et j’avais ravivé sa blessure. Soudain, le courroux des Lothbrok, qu’il
était parvenu à maîtriser jusque-là, s’empara de lui. Il tira si violemment sur
les rênes que Witnere en souffrit, mais l’animal se retourna docilement tandis
qu’Ivarr dégainait sa longue épée. Il revint vers moi au trot, mais je l’évitai
et gagnai la vaste étendue devant son armée. C’est là que je voulais qu’il
meure, à la vue de tous ses hommes. Ivarr me suivit mais arrêta Witnere qui
piaffa.
    Je crois qu’Ivarr regrettait de s’être emporté,
cependant il était trop tard. Tous les hommes, de part et d’autre, voyaient qu’il
avait tiré son épée pour me poursuivre sur la prairie. Il ne pouvait plus se
dérober. Il devait me tuer maintenant et ne savait comment s’y prendre. Il
était doué, mais il avait été blessé, souffrait encore… et connaissait ma réputation.
    Witnere était son avantage. Je connaissais ce
cheval et je savais qu’il se battait aussi bien qu’un guerrier. Puisque Witnere
pouvait s’en prendre à ma monture et même à moi, il fallait que je fasse
démonter Ivarr. Il me regarda. Je crois qu’il avait décidé de me laisser
attaquer, car il ne laissa pas Witnere charger. Au lieu de me jeter sur lui, je
me tournai vers ses hommes.
    — Ivarr est un voleur ! criai-je, laissant
Souffle-de-Serpent pendre à mon côté. C’est un homme
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