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Les proies de l'officier

Les proies de l'officier

Titel: Les proies de l'officier
Autoren: Armand Cabasson
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souvent, sur les chevaux. Les Russes, mieux nourris, moins fatigués, enivrés par la victoire, mais aussi enivrés tout court, se livraient à un carnage. Les hussards remontaient au galop la colonne en riant, se frayant un passage dans le sang. Fanselin brandit sa lance. Il en avait coincé l’extrémité contre une grosse pierre. Un Bashkir le chargea et le lancier, se courbant au dernier moment pour éviter la pointe, embrocha le Russe. Il se cramponna aussitôt à la crinière du cheval, mais celui-ci n’interrompit pas sa course, entraînant le Français. Fanselin finit par rouler à terre. Il se releva le pistolet à la main, prêt à s’emparer d’une autre monture. Les Bashkirs qui avaient assisté à la scène n’eurent pas envie de prendre à partie un forcené pareil. Margont se sentit gagné par une folie irrépressible. Il abattit un Bashkir d’un coup de pistolet et en blessa un autre avec sa deuxième arme. Ce second assaillant saignait au niveau de l’épaule. Sa main affaiblie ayant libéré les rênes, son cheval galopait en rond autour d’un chariot. Margont voulut l’achever, mais sa lame ne parvint pas à transpercer l’épais manteau. Il agrippa alors le Russe et le fit chuter. Il s’assit à califourchon sur lui et brandit son couteau. Il avait envie de crever les yeux de son adversaire pour que ce dernier comprenne enfin jusqu’à quel point on pouvait souffrir. Il se repaissait de la terreur du Bashkir. Cet homme avait un visage arrondi aux pommettes proéminentes. Son crâne était rasé sauf à l’arrière, d’où partait une longue natte. Il possédait une moustache très fine dont les extrémités tombaient jusqu’au menton. Ses yeux étonnamment bridés laissaient à peine voir ses pupilles. Malgré toutes ces différences, Margont vit son reflet dans ce visage. Ce Bashkir avait été touché ; pour lui, la guerre était finie. Margont rangea son couteau, prit la sacoche que le cosaque portait à la ceinture et s’en alla. Il se jeta aussitôt à plat ventre, car un Français le mettait en joue, le prenant pour un partisan.
    — Français ! 84 e  ! hurla-t-il.
    Le tireur, comprenant sa méprise, abattit un Kalmouk pour faire bonne mesure. Les assaillants repartirent aussi brutalement qu’ils avaient surgi. Ils plongeaient au passage leur lance dans le dos des cadavres, piquant de temps en temps un fantassin qui faisait le mort. Un hurlement leur faisait savoir quand ils avaient eu de la « chance »... Fanselin se livrait à un duel à la lance avec un officier cosaque régulier. Le Russe effectuait de grands moulinets rapides avec sa pique, parant ainsi les attaques. Quand il avait dévié suffisamment l’arme de son adversaire, il interrompait son tournoiement et expédiait sa pointe vers la poitrine du Français. Fanselin, étonnamment leste, bondissait sur le côté et contre-attaquait à son tour. Changeant de tactique, Fanselin mima une attaque de la pointe pour faire effectuer soudain un arc de cercle à sa lance et frapper avec l’autre extrémité. Le cosaque fut violemment touché au menton et tomba de cheval. Un concert de détonations stoppa net la monture dans sa fuite. On ne laissait pas s’échapper un tel monceau de viande. Fanselin tenait en respect son prisonnier avec sa lance.
    — Vive notre cosaque rouge ! s’exclama Margont d’une voix affaiblie.
    D’autres cris saluèrent le « cosaque rouge » et Fanselin sourit du compliment. Le cosaque s’exclama : « Hourra ! » et, à la stupéfaction générale, se jeta sur la lance pour s’embrocher. Fanselin retira aussitôt sa pointe, mais il était trop tard. Tout le monde se rua sur les cadavres de chevaux pour s’en repaître jusqu’à en ronger les os comme des chiens. Et ce, sans prendre le temps de les cuire, car les cosaques rôdaient toujours. Margont ouvrit la sacoche du Bashkir. Il y trouva un pain noir parsemé de bouts de paille. Celui-ci avait été cuit en dépit du bon sens : placé dans un four bien trop chaud, l’extérieur avait brûlé alors que le coeur était encore à l’état de pâte. Margont croqua dedans à pleines dents. Il n’arrivait pas à croire qu’il avait failli torturer ce Bashkir. La souffrance le rendait-elle donc fou ? Il lui fallait construire un rempart pour se protéger de la démence. Au lieu de se répéter qu’il marchait vers le duché de Varsovie – qui se trouvait encore si loin –, il pensa au colonel Pirgnon. « Ne le perds
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