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Les proies de l'officier

Les proies de l'officier

Titel: Les proies de l'officier
Autoren: Armand Cabasson
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pontonniers s’activaient pour réparer. Ceux qui tentaient de traverser la Bérézina à la nage n’atteignaient presque jamais l’autre rive. Sur la rive est, les huit cents cavaliers badois et hessois du général Fournier enchaînaient les charges. Ils soutenaient le 9 e corps qui contenait les quarante mille Russes de Wittgenstein. Sur l’autre rive, le maréchal Oudinot, bientôt blessé et remplacé par le maréchal Ney, avec neuf mille hommes, faisait face aux trente mille combattants de Tchitchagov. Le temps jouait en faveur des Russes qui recevaient peu à peu les renforts envoyés par Koutouzov.
    Les restes du régiment du colonel Pirgnon avaient pris du retard et ne s’étaient pas éloignés de la rive ouest. Par conséquent, Margont et Lefine avaient également ralenti l’allure. Saber était resté avec eux. Un aide de camp arriva au galop et stoppa son cheval en nage devant le colonel Pirgnon. Le cavalier était épuisé. On l’envoyait porter des ordres partout à la fois et il devait se frayer au sabre un chemin dans les cohues.
    — Mon colonel, votre marche est trop lente. La retraite doit s’accélérer, ordre de l’Empereur !
    Il tourna aussitôt bride et repartit en hurlant : « Dégagez ! Dégagez ! » Pirgnon se rapprocha des débris du 35 e de ligne auxquels s’étaient mêlés des égarés. Lui seul avait entendu les propos du messager.
    — Soldats, l’Empereur va lancer une contre-attaque dont nous allons constituer le fer de lance. Nous allons enfoncer la ligne ennemie. Nous serons soutenus par plusieurs régiments et six bataillons de la Garde ainsi que par tous les cavaliers disponibles. L’Empereur va calmer ces moujiks et assurer la tranquillité de notre retraite !
    La majorité des soldats obéit et constitua une colonne d’attaque. Personne n’imaginait un seul instant que Pirgnon ait pu mentir. Pour tous, cet aide de camp pressé galopait pour transmettre l’ordre de cette massive contre-attaque. On avait confiance dans le génie de l’Empereur qui allait une fois de plus tout balayer. Et puis, la Garde allait participer à la curée. La Garde ! L’enfant chéri de l’Empereur, ce corps d’élite qui n’avait jamais perdu une seule bataille. Pirgnon parvint à convaincre d’autres débris de bataillons et à rallier
    409 des traînards. Se plaçant à la tête de trois cents soldats hétéroclites, mais motivés, il lança sa colonne droit sur trente mille Russes.
    — Mais qu’est-ce qu’il fiche ? s’exclama Saber.
    La petite troupe de Pirgnon dépassait la ligne de défense française. Ceux qui affrontaient les Russes, retranchés derrière des arbres abattus, des congères ou des cadavres, la contemplaient, ébahis. Des groupes de silhouettes noires gesticulaient sur son passage. Tantôt on l’encourageait, tantôt on essayait désespérément de la faire changer d’avis. Margont vit Pirgnon se retourner sur sa monture et agiter son sabre au-dessus de sa tête en regardant dans sa direction.
    — À quels renforts fait-il signe ? Qui va le soutenir ? se demanda Saber à voix haute.
    — C’est à moi qu’il fait signe, répliqua Margont. C’est un homme très intelligent, il sait que je sais. Alors il me dit au revoir.
    — Mais qu’est-ce qu’il fiche, nom d’un chien ?
    — Il se suicide. Il se suicide avec son régiment.
    Les Russes réagirent immédiatement. Deux escadrons de hussards s’ébranlèrent et chargèrent la colonne de flanc. Leur élan emporta des rangées de soldats et coupa la formation en trois tronçons. Les cavaliers se mirent à tournoyer autour des fantassins et à les sabrer à satiété. Les Français tentaient confusément de se former en carré pour se défendre. Pourquoi leur cavalerie n’avait-elle pas chargé pour stopper les hussards ? Pourquoi les autres régiments ne venaient-ils pas à leur secours ?
    — Allons-y ! s’exclama Margont.
    Saber ne parvint même pas à articuler un mot.
    — Allons-y, Irénée ! On ne va pas laisser faire ça ! Je m’occupe de Pirgnon et toi de faire se replier les survivants. Toi, Fernand, trouve-nous des renforts.
    Lefine n’avait pas plus de voix que Saber.
    — Alors, Irénée, tu veux finir cette campagne colonel, oui ou non ?
    Margont s’élança vers le lieu du carnage, suivi par Saber. Lorsqu’il passa la ligne française, il s’écria :
    — Couvrez-nous !
    Sur tout le front, on épaulait les hussards et des exclamations de joie
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