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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera
Autoren: Michel Peyramaure
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l’avance.
    J’eus l’impression, dès les premières passes, d’être supplanté par un double et de vivre, pour ainsi dire par procuration, ces scènes barbares.
    Le cœur au bord des lèvres, comme Lejeune, frémissant d’indignation, submergé par l’exultation populaire et la musique tonitruante qui déferlaient sur l’arène, j’assistai à l’agonie des chevaux éventrés traînant leurs tripes sur le sable avant de s’abattre avec des hennissements pathétiques, et à la torture du taureau à la robe noire ruisselante de sang, dont les toreros jouaient à prolonger l’agonie.
    Alors que des chevaux traînaient hors du cirque le premier taureau de l’après-midi, mis à mort par Pepe Hillo avec des attitudes d’histrion, je me levai et me retirai. C’est à peine si Josefa se rendit compte de mon départ.
     
    Libéré de sa prison madrilène la dernière semaine d’avril, Manuel Godoy dut reprendre apparence humaine pour se rendre à Bayonne, à l’invitation de l’Empereur ou, devrais-je dire, à sa convocation. Avait-il, en s’embarquant pour la frontière, conscience du piège qui allait se refermer sur lui ? Après avoir été le favori du roi… et de la reine, il n’était plus qu’un personnage sinon négligeable, du moins secondaire.
    Accompagné de sa maîtresse en titre, Pepa Tudo, il avait pris place dans le cortège de la famille royale et marchait vers son Golgotha. Humiliation suprême, on lui avait fait comprendre qu’il n’aurait, dans les entretiens prévus, guère plus de place qu’un porteur de chandelles. Mieux encore, il allait vivre ces événements en coulisses, comme un acteur subsidiaire. On trouva à les loger, lui et sa concubine, dans une auberge sordide sur le bord de la Nive.
    Bardé de certitudes, Napoléon attendait ses hôtes sans trop d’impatience.
    À peine avait-elle germé dans son esprit, cette affaire était dans le sac. Un tour de passe-passe machiavélique allait lui livrer ce pays et le Portugal, s’il parvenait à en exclure les Anglais, ce qui n’était qu’une question de temps. Il jouait cette partie sur du velours. La mésentente qui régnait dans la famille royale servait à merveille son dessein : il allait avoir affaire à des fantoches, et pas une goutte de sang ne serait versée. Un coup de maître… « Le peuple aboyait, disait-on, mais ne mordait pas. C’était un ramassis de  campesinos  abrutis et incultes subjugués par des prêtres fanatiques… »
    La pusillanimité des deux souverains avait de quoi surprendre. Certes, le traité de Fontainebleau, signé entre nos deux pays, autorisait les troupes impériales à traverser le territoire de notre alliée espagnole pour mettre fin à l’hégémonie de l’Angleterre sur le Portugal et quelques ports de l’Andalousie que, forts de leur victoire de Trafalgar, les Anglais tenaient encore. Une opération prétexte à une occupation ? Peut-être. Sans doute, même. Déjà des garnisons s’étaient installées dans quelques grandes cités du Nord, en Catalogne notamment.
    Joachim Murat n’avait pas appris sans émotion la déchéance du prince de la Paix. Il s’était pris pour Godoy d’une sympathie qui avait adopté très vite l’apparence d’une amitié partagée. Avant les événements d’Aranjuez, ils se voyaient chaque jour, dressaient des plans destinés à concilier la présence française avec l’orgueil patriotique de la junte et du peuple. Ils vouaient une haine commune à la fois aux Anglais et au dauphin Ferdinand, échangeaient leurs maîtresses, rivalisaient d’élégance dans les salons, et de majesté guerrière lors des revues qu’ils passaient botte à botte.
    Pour Murat, prendre ouvertement la défense de son ami était une idée si risquée qu’il y avait vite renoncé. L’eût-il tenté, la population de Madrid se serait soulevée contre lui comme un seul homme.
    Lorsque Ferdinand avait quitté Madrid, il s’attendait à ce que l’Empereur vînt à ses devants à Burgos. Napoléon n’avait fait qu’adresser aux autorités de cette ville une lettre sévère, reprochant au jeune roi, sans lui donner le titre de Majesté, d’avoir usurpé la couronne. C’est dire qu’il tenait le roi Charles pour seul interlocuteur digne d’intérêt…
    Tout autre que Ferdinand eût repris aussitôt la route de Madrid, quitte à essuyer les foudres
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