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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera
Autoren: Michel Peyramaure
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heure et en grande tenue. Assis au bord du lit, je lui réponds :
    — Tu le sais : je dois partir dans quelques minutes pour Aranjuez. J’en profite pour te contempler. Est-ce que ça te dérange ?
    Elle hausse les épaules, me prend à bras-le-corps pour me faire basculer contre elle, au risque de se brûler à mon cigare, et promène une main nerveuse sur ma ceinture et la crosse de mes pistolets en bredouillant :
    — Encore quelques minutes, Laurent  querido … Ça nous donne juste le temps de…
    Elle est insatiable, Josefa ! Je lui réponds que nous avons, la nuit passée, au retour de la réception chez Godoy, fait l’amour à trois reprises. Elle fait mine de bouder, m’arrache mon cigare pour tirer une bouffée, puis le jette par la fenêtre donnant sur le jardin, d’où montent des odeurs de peausserie.
    — Va donc, puisqu’il le faut ! bougonne-t-elle. Fiche le camp mais reviens-moi vite. Tu sais que je m’ennuie sans toi. Si tu n’es pas revenu demain, je saute à cheval pour venir te retrouver !
    — Et si tu n’y parvenais pas, si j’étais parti en campagne dans le Sud, comme je dois le faire bientôt, que ferais-tu ?
    — Je chercherais à te retrouver et, si je n’y arrivais pas, je me ferais nonne à l’Incarnation !
    J’éclate de rire en me détachant d’elle. Une nonne, Josefa ? Je ne parviens pas à l’imaginer engoncée dans une robe noire, un cierge à la main, prononçant ses vœux dans une chapelle froide comme la mort, elle, brûlante de vie et de passion charnelle.
    — Allons donc, ma chérie ! Tu ne supporterais pas d’y rester une semaine…
    — Eh bien, j’irai me jeter dans le Manzanares !
    — Il faudra une crue, ma chérie, et elles sont rares. Le mieux est d’attendre sagement mon retour. Une journée ou deux devraient suffire.  Adios, querida mia …
    Elle se détourne de moi, ramasse les oreillers sous sa tête et grogne :
    — Je te déteste, chien de  gabacho  ! Ma mère a raison de dire qu’il faut se méfier de ces maudits  Franceses . Si je te surprends avec une autre femme, je te tue !
    Et, dans un soupir, dos tourné :
    — Reviens-moi vite,  Laurenzino …  Dios te guarde …
     
    Elle ne me tient pas rigueur de mes obligations et je lui pardonne les excès de sa jalousie. Cette banale scène de vaudeville se renouvelle chaque fois que je dois monter à cheval pour aller transmettre aux chefs de corps les messages du quartier général de la division Dupont. C’est chaque fois une chamaillerie sans conséquence. Josefa se montre dans ces circonstances plus espagnole qu’elle ne l’est vraiment.
    Josefa n’est pas son prénom. Son vrai nom est Maria-Conception Montès, mais elle y a renoncé, le trouvant emphatique et encombrant. Elle est native d’une ville proche de Madrid, Alcalá de Henares, où sa famille exploite une hacienda. Elle a fait quelques études sommaires dans un couvent de Madrid avant d’être appelée à la cour, en raison de sa beauté, par le secrétaire d’un ministre qui l’a introduite dans la volière des demoiselles de compagnie de la reine Marie-Louise.
    Elle n’allait pas tarder à rompre avec ce rôle de figurante et de courtisane. L’entrée en Espagne des armées françaises envoyées au Portugal pour en chasser les Anglais lui a donné l’occasion d’exercer ses dons sur quelques officiers avant de s’en prendre à moi. Le piège s’est vite refermé, sans que j’en souffre ni le regrette.
    Franche comme l’or, elle ne m’a pas caché, au début de nos relations, quelques passades dans le sérail de Manuel Godoy, où elle a appris les bonnes manières et une maîtrise des ébats charnels dont j’aurais tort de me plaindre, je l’avoue sans le moindre scrupule : Juliette, ma femme, n’est pas innocente au point de croire qu’un officier ou un simple soldat, dans la plénitude de sa virilité et en terre étrangère, pourrait rester des années à vivre comme un sage.
     
    J’ai fait la connaissance de celle qui allait devenir ma maîtresse occasionnelle au cours d’une cérémonie d’anniversaire dans le palais du prince Godoy. C’était quelques jours après l’arrivée de notre division dans la capitale et la nomination de Joachim Murat par son beau-frère, l’Empereur, comme lieutenant général des armées impériales en Espagne. Je passe sur les premiers propos que
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