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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera
Autoren: Michel Peyramaure
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nous assigna pour résidence, à moi et à mon escorte, un vaste pavillon proche du palais royal abritant les souverains et leur suite. Il occupait dans cette oasis une île luxuriante baignée par le Tage. Du balcon de ma chambre, mon regard plongeait sur des pelouses verdoyantes, des bassins et des fontaines, et, au loin, sur un horizon de sierras âpres et calcinées. Un officier du palais m’apprit que ce pavillon était l’œuvre de l’architecte français Boutelou, au siècle passé.
    Au cours de mes promenades dans le parc, je me plaisais à convoquer la présence de Josefa. Je l’imaginais dans son costume d’amazone, galopant sous les hautes frondaisons, jetant du pain aux canards et aux cygnes, dansant la seguidilla, le soir, sous les charmilles…
    Si le pavillon est agréable, le palais est majestueux. On accède à cette vaste bâtisse de pierre et de brique datant du roi Philippe II par de larges allées débouchant sur une cour d’honneur. Les officiers de la garde étaient hébergés dans la Casa del Labrador, réplique du Petit Trianon, à une demi-lieue en direction d’Ocana.
    N’étaient les clameurs montant de la ville, j’aurais pu me croire à l’abri des orages du temps. Illusion. L’émeute avait pris une telle dimension et une telle violence que des débordements jusque dans ces lieux de paix étaient à redouter.
    Un entretien, dans les premières heures du soir, avec l’officier civil chargé des hôtes du pavillon m’apprit qu’il s’agissait d’un complot. Je sursautai et lui demandai qui l’avait concocté. Il nomma Ferdinand, prince des Asturies, fils du roi Charles et de la reine Marie-Louise. Son but : faire abdiquer le vieux souverain et prendre sa place.
    — En confidence, me dit-il en m’offrant un verre de porto, je déteste ce personnage et je ne suis pas le seul. C’est un triste sire qui ne s’embarrasse pas de scrupules. Cette parodie de fuite n’est qu’une parade de son invention. Si son plan réussissait, il accuserait son père de désertion et mettrait son ennemi mortel, Manuel Godoy, hors d’état de nuire. La pression populaire le ramènerait à Madrid avec la couronne !
    Je restai sceptique. Le roi Charles avait de nombreux partisans, qui prendraient fait et cause pour lui et n’hésiteraient pas à faire parler la poudre.
    — Certes, mais notre roi est faible, facile à manœuvrer, et la reine est détestée de tous en raison de ses mœurs. Le seul véritable ennemi de Ferdinand est Godoy. C’est entre eux un duel à mort. Il se confirme aujourd’hui. Voilà la vérité, mon ami.  Esto es   la verdad  !
    Il me prit le bras en murmurant :
    — Gardez cette confidence pour vous,  capit á n , et surtout gardez-vous d’intervenir par les armes. Il faut éviter que le sang coule. S’il vous survient des ennuis, vous me trouverez au palais. Demandez le  teniente , le lieutenant Alarcon. À charge de revanche ?
    Je donnai mon accord au lieutenant, le premier  afrancesado , ami des Français, qu’il m’eût été donné de rencontrer.
     
    Je passai une mauvaise nuit dans le pavillon de Boutelou.
    Des bandes de  campesinos  avaient franchi le Tage, envahi les jardins, brandissant torches et fusils et hurlant des «  Matar  los  ! » pour dire qu’il fallait nous exterminer, ce qui, malgré mon escorte de hussards, avait de quoi me donner des sueurs froides.
    J’avais pris la précaution d’établir un tour de garde, avec une consigne stricte : tirer des salves en l’air avant de se replier sur les écuries et le pavillon.
    Ce n’est que dans les premières heures de la matinée que je parvins à trouver le sommeil. Quand je me réveillai, je vis de ma fenêtre mes hussards en train de chasser quelques énergumènes qui faisaient encore du tapage sur les pelouses. Le palais semblait calme, mais il montait de la ville une inquiétante rumeur de tempête, les cloches sonnant le tocsin et des pétards éclatant de toutes parts. Dans les clameurs s’élevant du centre ou, plus près, des bords du Tage, je pouvais distinguer le nom de Manuel Godoy, « le monstre de cruauté », et des menaces contre les Français.
    La chasse à l’homme avait commencé dans la ville, dont les  campesinos  avaient la maîtrise depuis la veille au soir. Il ne faisait pas bon s’y promener seul.
    Je laissai mon second veiller sur mon
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