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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera
Autoren: Michel Peyramaure
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favorable à l’occupant français.
    Cet événement eut un retentissement d’autant plus important que cette ville de plus de quatre-vingt mille habitants, la troisième après Madrid et Barcelone, est prospère, possède des fabriques de canons, des arsenaux et des chantiers navals, avec le pouvoir sur les provinces avoisinantes… Loin de Madrid, Séville avait toute liberté de se proclamer indépendante et ouverte au mouvement insurrectionnel qui se manifestait un peu partout dans le pays avec une puissance de marée d’équinoxe. Les grandes villes de la province, Cadix, Cordoue, Jaén, Grenade, n’allaient pas tarder à suivre le mouvement. Il y avait désormais deux Espagnes, mais plus de roi pour les gouverner !
    Surprise : au début du mois de juin, la junte de Séville osa déclarer la guerre à la France, « par terre et par mer » ! Sa mission : ne pas déposer les armes avant que le roi Ferdinand n’eût repris sa place sur le trône et que les Français ne fussent retournés chez eux.
     
    À Madrid, nous vécûmes ce mois d’avril dans une relative sérénité. Les trop rares messages que nous recevions de Bayonne semblaient consacrer la décision de l’Empereur d’annexer l’Espagne. Pour envoyer des corps expéditionnaires d’une part vers l’Andalousie et de l’autre vers le Portugal, nous attendions que le rideau fût tombé sur la scène de Bayonne et que le roi Joseph, si sa consécration se confirmait, fît acte de présence.
     
    Le 21 avril, je fus réveillé en sursaut par un tumulte qui semblait avoir pénétré jusqu’au cœur de la cité.
    La veille, en présence de Josefa, j’avais assisté, dans le palais occupé par Murat, plaza Dona Maria de Aragon, à la remise solennelle à notre lieutenant général d’une vénérable relique : l’épée que le roi François I er  portait à la bataille de Pavie. Elle avait hérité du temps et de l’oubli une carapace de rouille qui attestait de son ancienneté. Murat avait réclamé cette antiquaille ; personne, dans la junte, n’avait osé la lui refuser.
    Je me gardai de réveiller Josefa et revêtis prestement mon uniforme pour me porter sur les lieux, avec mon ordonnance, Jacques Bernier, que j’étais allé quérir dans la maison voisine. J’avais de bonnes raisons de croire que le mouvement insurrectionnel qui avait gagné quelques grandes villes allait se porter sur la capitale.
    Je pris la direction de la plaza del Sol, d’où semblaient venir ces clameurs. Toute la ville paraissait en effervescence. Des gens nous jetaient des injures, des gamins nous traitaient de « putains de Français », insultaient l’Empereur, crachaient sur nos bottes et affolaient nos montures par des coups de bâton sur la croupe, des cris et des gesticulations. Au fur et à mesure que nous approchions, la foule se faisait si dense qu’user de nos armes nous eût condamnés à être égorgés et dépecés.
    Outre la population madrilène, artisans, ouvriers, marchands et petits fonctionnaires, j’observai la présence de  campesinos  et de prêtres qui arboraient des bannières où étaient dessinés à gros traits le portrait de Ferdinand et les emblèmes de la religion.
    Lorsque le courant nous emporta vers la plaza Zocodover, je décidai de rebrousser chemin au galop, sabre au clair, en hurlant comme un damné pour qu’on nous fît place. Toujours suivi de mon ordonnance, je pénétrai en trombe dans la cour du palais occupé par Murat et gardé par un cordon de grenadiers, baïonnette au canon.
    J’appris que la demeure d’un honorable citoyen, don Josef de Santa Maria, corregidor, représentant du gouvernement et  afrancesado  notoire, avait été pillée, mais que son propriétaire avait eu le temps de prendre le large. D’autres personnes suspectées de bonnes relations avec les autorités d’occupation, don Luis del Castillo et don Pedro Secundo entre autres, avaient subi le même traitement et échappé de peu à la mort.
    La situation dans la ville était de plus en plus tendue. Les autorités militaires madrilènes avaient donné consigne à leurs troupes de faire respecter l’ordre, mais sans tirer le moindre coup de feu, ce qu’elles eussent été bien en peine de faire : elles n’avaient pas reçu de munitions ! Quant à nous, avec dix mille soldats occupant la ville, l’artillerie du
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