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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera
Autoren: Michel Peyramaure
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impériales. Il poursuivit son chemin, méditant peut-être l’adage qui dit que « la soumission est la seule attitude à observer quand toute résistance est impossible ».
    Je ne m’attarderai guère sur les événements qui ont marqué cette rencontre aux conséquences incalculables, d’autant que je ne pourrais le faire que par ouï-dire.
    Prenant les devants, Ferdinand avait passé la Bidassoa le 20 avril, précédant son père d’une semaine environ. Dès les premiers entretiens, l’Empereur lui fit comprendre qu’il aurait à maîtriser ses ambitions et qu’un petit royaume comme celui d’Étrurie, en Italie, lui conviendrait mieux que l’Espagne. Il venait de tirer le rideau sur un spectacle qui tenait de la comédie et de la farce. On n’eut pas à convoquer Godoy, lequel resta à se morfondre dans son auberge. La confrontation entre le jeune souverain et ses parents, sous les yeux de l’Empereur qui devait rire sous cape, avait tourné au drame lorsque la reine avait menacé son fils de le faire passer par les armes s’il s’obstinait à garder la couronne volée !
    Au final, ces âpres querelles de famille avaient-elles irrité ou amusé l’Empereur ? Ce qui est certain, c’est qu’il en avait tiré le meilleur profit. Elles avaient pris une telle intensité que l’Espagne, écartelée entre ces deux partis, devenait ingouvernable et qu’une autorité de tutelle apparaissait indispensable. Mais qui ? Ce ne pouvait être que Napoléon. Tranchant dans le vif, il exigea une abdication générale et un exil en France des deux antagonistes : le vieux roi à Compiègne, et l’usurpateur au château de Valençay.
    Qu’allait devenir Manuel Godoy, dans cette tempête ? Sans se défaire de sa concubine, il allait suivre Charles et entamer une suite de pérégrinations qui n’ajouteraient rien à sa gloire et à sa fortune.
    Dépositaire de la couronne de Charles Quint, maître de l’Espagne et des Indes occidentales, qu’allait décider l’Empereur ? Se proclamer roi ? Il aurait pu le faire sans qu’on osât le lui reprocher, mais d’autres ambitions se présentaient à lui.
    Son premier choix se porta sur son frère Lucien. Refus catégorique ! Il était trop pris par les salons parisiens, les séances de l’Institut, ses amours avec une jolie veuve et par l’édition de son roman,  La  Tribu indienne .
    Une deuxième tentative, cette fois auprès de son frère aîné, Joseph, eut plus de succès. Il était roi de Naples ? Qu’importait ? Il le resterait, le temps de se tailler un autre costume et d’apprendre une autre langue. Il allait quitter une terre bénie pour les pavés de l’enfer…
     
    Aux yeux des Espagnols, Dieu ne pouvait se désintéresser de cette aberration : voir ce royaume catholique gouverné par des fils de la Révolution française ! Après les Bourbons, voir sur le trône un Bonaparte, un mécréant, était intolérable. L’Église répandait l’annonce d’une colère divine qui allait remettre les choses en place par quelque miracle. Nous ne faisions qu’en rire, mais nous n’allions pas tarder à comprendre que le peuple, encore plongé dans une obscurité médiévale, prenait ces prophéties au sérieux.
    Le bruit s’était répandu dans la population que le jour où Ferdinand était entré dans Bayonne les cierges de toutes les églises d’Espagne s’étaient éteints comme sous un coup de vent. Dans les Asturies, le sang avait coulé sur le visage de la Vierge de Covadonga, Notre-Dame des Batailles. À Compostelle, les vigiles qui gardaient le sanctuaire de saint Jacques avaient été réveillés en pleine nuit par des hurlements et des cliquetis d’armes venant de la crypte…
    J’ai beau prendre à la légère ces superstitions d’un autre âge, montées sans doute de toutes pièces pour impressionner la populace et susciter un mouvement de révolte contre les Français, il reste que leur efficacité était évidente.
    À l’annonce de l’abdication forcée des souverains et de leur exil, des émeutes éclatèrent dans tout le pays. Les gens se portèrent en masse devant les ayuntamientos, les mairies, pour clamer leur indignation. À Séville, le comte d’Aguilar, qui passait pour être un  afrancesado  notoire, fut massacré dans son carrosse, et une junte provinciale instituée pour suppléer celle de Madrid, jugée
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