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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée)
Autoren: Pierre Miquel
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libérés des camps russes et réarmés tenaient la Sibérie occidentale, les Japonais avaient débarqué à Vladivostok. Les Anglo-Américains étaient à Arkhangelsk, les Roumains entraient en Bessarabie. Tous combattaient les bolcheviks. Le financier allemand Helfferich était d’avis de les laisser faire, de favoriser la contre-révolution en Russie, mais l’état-major avait encore volé au secours de Lénine. Il avait permis à Trotski, allié objectif, de reprendre Kazan, le 10 septembre.
    Après la chute du régime impérial, les nouveaux dirigeants socialistes allemands combattaient de toutes leurs forces le bolchevisme à l’intérieur. Les Alliés les laissaient recruter des volontaires dans des corps francs surarmés, organisés à partir de janvier 1919 par le général Marecker sous le nom de Freiwilliger Landesjägerkorps [131] . Ils contribuaient à écraser la révolution spartakiste à Berlin.
    Noske recrutait d’autres formations pour réprimer les mouvements révolutionnaires de Brême, Hambourg et de nouveau à Berlin, lors de la « semaine sanglante » du 6 au 13 mars 1919. Les volontaires, montés sur des camions, tiraient à la mitrailleuse sur les manifestants, encouragés et dirigés par le ministre social-démocrate de la Guerre, Noske. Ils balayaient à Munich le gouvernement insurrectionnel, la République autonome de Kurt Eisner, et rétablissaient l’ordre en Saxe au mois de mai, pendant que les Alliés négociaient la paix à Paris.
    Nul n’estimait alors nécessaire de désarmer complètement l’Allemagne. Lloyd George avait imposé au traité de paix le chiffre maximum de cent mille soldats, non comprises les forces de police. Foch aurait accepté plus. On laisserait longtemps les corps francs combattre les bolcheviks en Lettonie. Le comte Rüdiger von der Goltz avait levé nombre d’officiers de l’armée dans ses unités de la Baltique. Il avait pris Riga en mai 1919. Son rappel avait été enfin ordonné en juillet, sous la pression des Alliés, mais il s’était replié seulement en décembre vers la Prusse-Orientale. Le défilé de son corps franc, feuilles de chêne au casque, sous la porte de Brandebourg, avait enthousiasmé les Berlinois.
    *
    Avant-première du défilé des troupes allemandes dans la Rhénanie remilitarisée de 1936, véritable reprise de la guerre de trente ans. Les Allemands utilisent encore la portée symbolique du défilé militaire, tout comme les Français. Le défilé de la victoire en 1919, sous l’Arc de triomphe, contribuait à effacer la honte de l’entrée de l’armée allemande, prussienne et bavaroise, dans Paris en 1871. Le défilé des Feldgrau dans Unter den Linden en 1918 était destiné à montrer l’armée intacte, invaincue, celle de l’honneur allemand. Les communistes sauraient utiliser cette manifestation visible du vieux fond patriotique en instaurant après 1949 à Berlin-Est la relève de la garde au pas de l’oie. Les monuments aux morts de style stalinien arboraient des bas-reliefs montrant la libération de l’Allemagne de 1945 par les Soviétiques, qui portaient dans leurs bras les enfants allemands.
    Le défilé de 1936 dans la Rhénanie réoccupée était celui de la victoire abolie des Alliés, comme si la trêve imposée de 1918 était lettre morte, comme si les deux millions de morts de la Première Guerre étaient oubliés, et le rêve de grandeur retrouvé. Un défilé réduit au contingent symbolique de quatre bataillons, qui affichaient les couleurs noir blanc et rouge de la revanche, mais renforcées par le drapeau du sang à croix gammée, arboré par des dizaines de milliers de SA et d’autres membres des associations paramilitaires. L’Allemagne Venait de faire savoir au monde que le diktat de Versailles était, par la force, biffé de la carte.
    Une victoire pour l’image, presque virtuelle, obtenue sans effort, sans une goutte de sang, sur le peuple français présenté par la propagande nazie comme décadent, enjuivé, négrifié, incapable de volonté politique, tout juste bon à se complaire aux pièces pacifistes de Jean Giraudoux ou aux représentations de La Vie parisienne d’Offenbach. Cette démocratie impuissante, investie par les communistes, gangrenée par le parlementarisme radical-socialiste, avait prouvé en 1936 qu’elle était incapable de résister aux irrésistibles pulsions de la grande Allemagne. Les nazis venaient en fait de sortir de l’écurie et de remettre en selle
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