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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu
Autoren: Steven Pressfield
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qu’elle avait mal interprété une partie du rite et qu’ils allaient la battre pour cela. Un soldat me saisit par les cheveux et, de son bras velu, me fit une clef au cou. Une lance pointa sous le cou de Bruxieus et une épée lui piqua le dos. Personne ne dit mot. Ils étaient six, sans armures, vêtus de leurs corselets souillés de sueur, les barbes sales et les cheveux détrempés par la pluie qui pendaient sur leurs poitrines, les cuisses fangeuses. Ils avaient regardé Diomaque, ses jambes lisses et ses seins qui commençaient de pointer sous la tunique.
    — Ne leur faites pas de mal, dit seulement Diomaque en nous désignant du geste, Bruxieus et moi.
    Deux hommes l’emmenèrent derrière le mur du jardin. Deux autres leur succédèrent, puis deux autres. Quand ils eurent fini, l’épée s’éloigna du dos de Bruxieus et il s’élança pour prendre Diomaque dans ses bras. Elle ne le laissa pas faire ; elle se remit seule sur ses pieds, bien qu’elle dût pour cela s’appuyer contre le mur, tandis que le sang dégoulinait sur ses cuisses. Les Argiens nous donnèrent un quart d’outre de vin et nous le prîmes.
    Il devenait évident que Diomaque ne pouvait pas marcher. Elle se laissa alors prendre dans les bras par Bruxieus. Un autre Argien me donna une miche de pain.
    — Deux autres régiments arrivent du sud demain. Allez dans les montagnes, vers le nord, et n’en sortez plus jusqu’à ce que vous soyez hors d’Acarnanie. Il me parlait avec bonté, comme si j’avais été son fils. Si vous approchez d’une ville, n’emmenez pas la fille, ou bien cela se reproduira.
    Je crachai sur sa tunique sombre et puante, en geste d’impuissance et de désespoir. Il me saisit le bras alors que je m’éloignai.
    — Et débarrassez-vous de ce vieil homme. Il ne vaut rien. Il ne servira qu’à vous faire tuer, la fille et toi.

5
    On dit parfois que des fantômes, ceux qui ne peuvent pas se défaire de leurs liens avec les humains, errent encore sur les lieux où ils vécurent sous le soleil, planant comme des vols de charognards sans substance et refusant de se rendre aux ordres d’Hadès et de se retirer sous la terre. C’est comme ça que nous vécûmes, Bruxieus, Diomaque et moi dans les semaines qui suivirent le sac de notre ville. Pendant plus d’un mois, la plus grande partie de l’été, nous ne pûmes quitter notre cité désertée. Nous parcourions les terres sauvages au-dessus de l ’agrotera, ces régions non cultivées qui entouraient les champs, dormant le jour quand il faisait chaud et nous déplaçant la nuit, comme des ombres. Du haut des collines nous observions les Argiens bouger à nos pieds et repeupler nos bosquets et nos fermes avec les surplus de leur population.
    Diomaque n’était plus la même. Elle vaguait seule dans l’ombre des forêts, faisant des choses innommables à ses parties féminines. Elle essayait de se débarrasser de l’enfant qui pouvait se développer en elle.
    — Elle pense qu’elle a offensé le dieu Hymen, m’expliqua Bruxieus, quand je tombai un jour sur elle et qu’elle me chassa à coups de pierres et de malédictions. Elle craint de ne plus pouvoir être une épouse et d’en être réduite au rang d’esclave ou de putain. J’ai essayé de lui faire comprendre son erreur, mais elle ne veut pas m’écouter, car je suis un homme.
    Il y en avait alors bien d’autres que nous dans les collines. Nous les rencontrions aux sources et nous tentions de renouer les rapports amicaux que nous avions eus quand nous étions des Astakiotes. Mais la disparition de notre cité avait détruit ces liens pour toujours. Clans ou familles, c’était chacun pour soi.
    Quelques garçons que j’avais connus s’étaient constitués en bande. Ils étaient onze et aucun d’entre eux n’avait plus de deux ans de plus que moi ; ils étaient épouvantables. Ils étaient armés et se vantaient d’avoir tué des adultes. Ils me battirent un jour que je refusai de me joindre à eux. Je l’aurais bien fait, mais je ne voulais pas quitter Diomaque. Et ils l’auraient enrôlée, elle aussi, mais je savais qu’elle ne les approcherait jamais.
    — Ce pays est à nous, me prévint leur chef, un voyou de douze ans qui s’appelait Sphaireus, Joueur de Ballon, parce qu’il avait fourré dans un sac de cuir le crâne d’un Argien qu’il avait tué et s’en servait à la façon d’un monarque qui tient son sceptre.
    Il voulait me signifier que les territoires
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