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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable
Autoren: Christopher John Sansom
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coroner examine les corps, on les place dans une cave souterraine où ilssont au frais. Or, bien que Ralph fût habillé, son corps dégageait une puanteur épouvantable, comme une tête de génisse qu’on aurait laissée en plein air l’été aux abattoirs. J’en ai eu la nausée, et le coroner aussi. Quant à Edwin, j’ai cru qu’il allait s’évanouir. Je me demande comment cela peut s’expliquer, messire. Qu’est-ce que cela signifie ? »
    Je secouai la tête : « Mon ami, nous ignorons le sens de la moitié des choses en ce monde. Parfois, elles n’en ont aucun.
    — Mais Dieu veut que nous découvrions le sens des choses. Il nous donne des indices. Et puis, messire, si cette affaire n’est pas résolue et qu’Elizabeth meure, le véritable assassin, quel qu’il soit, courra toujours. Et en ce moment, il circule librement. »
    ----
    1 . En Angleterre, le mot désigne une cour où les magistrats (assis) jugent aussi bien des cas civils que des affaires relevant du pénal. L’assise des nuisances jugeait les différends de voisinage. (Toutes les notes sont de la traductrice.) 2 . Il y avait alors différentes cours de justice : les cours royales, appliquant la Common Law (le droit civil et coutumier) : cour du banc du roi, cour des plaids communs ; et des tribunaux ecclésiastiques appliquant le droit canon, comme les cours des évêques, entre autres.
    3 . Anne Boleyn.

2
    L e lendemain matin , je retournai de bonne heure dans la Cité. Il faisait encore chaud et le soleil qui se réverbérait sur les vitres en losange des maisons de Cheapside m’éblouissait.
    Au pilori dressé près du Standard 4 était exposé un homme d’un certain âge, debout, un chapeau de papier sur la tête et une miche de pain pendue au cou. Un écriteau annonçait que c’était un boulanger qui trichait sur le poids du pain. Il y avait sur sa robe quelques éclaboussures de fruits pourris, mais les passants lui prêtaient peu attention. L’humiliation était sans doute l’aspect le plus douloureux du châtiment, me dis-je, regardant l’endroit où il était placé, avant de voir son visage se crisper de douleur lorsqu’il changea de position. Il avait le cou pendant, la tête et les bras immobilisés par des liens dans les entailles du bois, ce qui devait être fort pénible pour un homme de son âge. Je frémis en imaginant combien mon dos m’aurait fait souffrir si je m’étais trouvé en pareille posture. Pourtant, grâce à Guy, j’avais beaucoup moins mal ces derniers temps.
    La boutique de Guy faisait partie d’une rangée de semblables officines dans une étroite allée juste au-delà de la Vieille Barge. La Barge était une vaste bâtisse ancienne, jadis imposante, mais aujourd’hui divisée en logements bon marché. De nombreuses corneilles nichaient sous les créneaux menaçant ruine, tandis que les murs de brique étaient envahis par le lierre. Je tournai dans l’allée, heureux d’y trouver de l’ombre.
    Au moment où je m’arrêtai devant la boutique de Guy, j’eus la désagréable impression d’être épié. La ruelle était calme et laplupart des échoppes encore fermées. Je descendis lentement de cheval et attachai Chancery à la grille, m’efforçant de prendre un air nonchalant, l’oreille aux aguets. Puis je me retournai prestement et scrutai la ruelle.
    Je perçus un mouvement à l’un des derniers étages de la Barge, mais ne distinguai qu’une vague silhouette à une fenêtre avant que les volets vermoulus fussent fermés. Saisi d’un sentiment de malaise, je me dirigeai vers la boutique de Guy.
    L’enseigne ne portait que son nom, Guy Malton. Dans la vitrine s’alignaient des flacons aux étiquettes bien nettes au lieu des alligators empaillés ou autres monstres qu’affectionnaient la plupart des apothicaires. Je frappai et entrai. Comme d’habitude, la boutique était propre et rangée, les bocaux de simples et d’aromates bien alignés sur les étagères. L’odeur musquée et épicée m’évoqua le cabinet de Guy au monastère de Scarnsea. La longue robe d’apothicaire qu’il portait était d’un vert si foncé que, dans la pénombre, elle paraissait noire et aurait pu passer pour celle d’un moine. Guy était assis à sa table, concentré, les sourcils froncés. Il penchait son mince visage brun sur le bras grièvement brûlé d’un jeune homme trapu et y appliquait un emplâtre préparé dans un bol à côté de lui. Une bouffée de lavande parvint à mes
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