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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable
Autoren: Christopher John Sansom
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narines. Guy leva les yeux et sourit, découvrant brièvement ses dents blanches.
    « Je suis à vous dans une minute, Matthew, dit-il avec son accent légèrement zézayant.
    — Pardonnez-moi, je suis en avance.
    — Peu importe, j’ai presque fini. »
    Je hochai la tête, pris place sur une chaise, et regardai le mur où était fixé un croquis représentant un homme nu au milieu d’une série de cercles concentriques, l’Homme relié à son Créateur par les chaînes de la nature. Cela évoquait pour moi un homme attaché à une cible de tir à l’arc.
    Au-dessous se trouvait un schéma des quatre éléments et des quatre types de nature humaine auxquels ils correspondent : la terre pour la nature mélancolique, l’eau pour la flegmatique, l’air pour la sanguine et le feu pour la colérique.
    Le jeune homme poussa un soupir et leva les yeux vers Guy.
    « Sapristi, monsieur, je me sens déjà soulagé.
    — Tant mieux. La lavande possède des propriétés froides et humides ; elle absorbe la chaleur sèche de votre bras. Je vais vous en donner un flacon, et vous en appliquerez sur votre blessure quatre fois par jour. »
    Son interlocuteur le regarda avec curiosité. « Jamais je n’ai entendu parler de ce remède. Il est utilisé dans le pays d’où vous venez, monsieur ? Peut-être que là-bas, tout le monde est cuit par le soleil ?
    — Oh, certes, messire Pettit, répondit Guy avec le plus grand sérieux. Si nous ne nous enduisions pas de lavande, nous serions tous brûlés et desséchés. D’ailleurs, nous en couvrons aussi les palmiers. » Son patient lui jeta un regard perplexe, se demandant si on ne se moquait pas de lui. Il avait de grandes mains carrées couturées de cicatrices pâles. Guy se leva et lui tendit un flacon avec le sourire. « Quatre fois par jour, n’oubliez pas, dit-il en agitant l’index. Et appliquez-en aussi sur la blessure à la jambe que vous a faite cet imbécile de médecin.
    — Oui, monsieur. » Le jeune homme se leva. « Je sens la brûlure qui s’apaise déjà, alors que depuis une semaine le seul contact de ma chemise me faisait souffrir le martyre. Merci. » Il prit l’escarcelle pendue à sa ceinture et donna à l’apothicaire une pièce d’argent de quatre pence. Lorsqu’il sortit, Guy se mit à rire discrètement.
    « Au début, quand les gens faisaient ce genre de remarque, je les corrigeais, je leur disais qu’il neige parfois à Grenade, ce qui est vrai. Maintenant, j’opine à tout ce qu’ils disent. Ils ne savent jamais si je plaisante ou non. Mais ainsi, ils se souviennent de moi ; peut-être parlera-t-il de mes talents à ses amis.
    — Il est fondeur ?
    — Oui. Messire Pettit vient de finir son apprentissage. C’est un garçon très sérieux. Il s’est renversé du plomb fondu sur le bras. Selon toute vraisemblance, ce vieux remède le soulagera.
    — Vous apprenez les règles du commerce. Vous tirez parti de vos différences. »
    L’apothicaire Guy Malton, jadis frère Guy de Malton, avait fui l’Espagne enfant avec ses parents maures après la chute de Grenade. Il avait fait ses études de médecine à Louvain. Nous étions devenus amis lors de ma mission à Scarnsea, trois ans auparavant. Pendant cet épisode éprouvant, il m’avait prêté son concours. Quand le monastère avait été dissous, j’avais espéré l’aider à s’installer à Londres, mais le Collège des médecins n’avait pas voulu de lui à cause de son teint basané et de son passé papiste. Néanmoins, en distribuant quelques pots-de-vin, j’avais réussi à le faire accepter par la guilde des apothicaires, et il avait fini par se faire une bonne clientèle.
    « Messire Pettit est d’abord allé consulter un médecin, dit Guyen secouant la tête. Lequel lui a posé un drain dans la jambe pour y faire descendre la douleur du bras. Quand la plaie s’est enflammée, il a déclaré que cela prouvait l’efficacité du remède. » Il ôta son bonnet d’apothicaire, découvrant une toison bouclée, jadis noire, à présent grisonnante. Je trouvai surprenant de le voir sans tonsure. Ses yeux bruns et perspicaces se posèrent sur moi.
    « Comment vous portez-vous ces temps-ci, Matthew ?
    — De mieux en mieux. Je fais mes exercices deux fois par jour, en patient obéissant. Mon dos me gêne peu, sauf lorsque je soulève des poids, comme les gros paquets de documents légaux qui arrivent dans mon bureau de Lincoln’s Inn 5 .
    — Vous devriez les faire monter par
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