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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II
Autoren: Max Gallo
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marquer que son cou était ankylosé, qu’il souffrait. Quand il en prenait conscience, il se reprochait cette attitude. Normal qu’à seize ans Martin refuse la vieillesse. Mais chaque fois Gallway recommençait. Julia le prenait par le bras, elle chuchotait, complice, tendre : « Allen, n’exagère pas, je t’en prie, attends d’avoir quatre-vingt-dix ans, tu veux vérifier quoi ? Que Martin t’adore ? Il t’adore, voilà, marche un peu plus vite, maintenant. »
    Gallway riait et cela lui faisait mal dans le dos, à la base du cou, mais il se sentait mieux malgré tout.
    — Je vous attends au bar, dit Gallway, quand l’avion sera annoncé…
    Martin s’éloignait déjà et Julia le suivait après un regard pour Allen.
    Gallway s’assit, but distraitement, observant sa femme et son fils qui, debout devant les tableaux d’arrivée, bavardaient entre eux. Julia forte, les cheveux coupés court, la main accrochée à la lanière de son sac, les jambes écartées, droite sur le sol ; Martin, grand, très brun, un blue-jean serré sur ses longues jambes, allait et venait autour de sa mère. S’il s’arrêtait un instant, il se dandinait.
    Vigueur. Jeunesse.
    Ils étaient tous les deux, elle, si douce avec Allen, Martin qui – Julia avait raison – l’adorait, la meilleure part de la vie de Gallway. Venue tard, trop tard, mais venue cependant.
    Gallway croisait ses mains sur la table comme on prie. La meilleure part et si lointaine de lui pourtant que parfois il se disait qu’il n’aimait personne, ou bien qu’on ne l’aimait pas assez. Pour cela peut-être exagérait-il ses malaises, pour que Julia s’approche, que Martin lui dise d’un ton bourru : « Comment vas-tu ce matin ? » Il geignait un peu plus puis se reprenait : « Bien, bien. »
    Mais alors cette obligation de reconnaître que, quelle que soit l’intensité de l’amour qu’on lui portait ou de celui qu’il éprouvait pour Julia et Martin, de la surprise heureuse qu’ils continuaient de faire naître en lui quand il les apercevait côte à côte, comme s’ils avaient été tous deux ses enfants – et Julia aurait pu être sa fille s’il avait été un jeune père d’une vingtaine d’années, mais il avait perdu tant de temps – d’avouer que malgré leur présence Allen demeurait seul et que les jours – chaque heure même – l’isolait davantage.
    Vieillesse cela ? Ou bien pointe extrême de ce qu’il avait été, un solitaire, un égoïste, un enfant qui se barbouille le visage de mots ?
    Et maintenant, les mots étaient devenus sales, vieux jouets fangeux dont il continuait à user parce que l’habitude, la sénilité, et que faire d’autre quand on ne sait plus que s’asseoir à une table et gribouiller ?
    Il reste à mourir, Gallway.
    Pas de regret à les quitter, les autres, ceux qu’il aimait. La certitude que la vie serait plus forte que leur peine. Il avait cru que Sarah ne survivrait pas à la mort de sa mère, mais non, on survit. Il avait cru que Nathalia… mais non, elle était arrivée à Renvyle après la mort de Sarah. Elle aimait Samuel, elle était sauvée. Elle s’était installée au Mas Cordelier, elle expliquait dans ses lettres que ses journées étaient pleines, que Samuel grandissait si vite, qu’elle noircissait des pages et qu’un jour, si elle l’osait, elle les leur lirait.
    Elle oserait.
    De l’amertume, Gallway ?
    De la mélancolie et de la lassitude, parfois du désespoir, comme au moment où finissent ces longues journées d’été, dans les pays de l’Ouest où le crépuscule s’étire et l’on voudrait que tombe d’un seul coup la nuit, brutale, parce qu’il est si long d’attendre que le rouge sang passe au violet.
    Trop de crépuscules depuis ceux de Frisco, quand les chalutiers traversaient la baie, qu’Allen tenait serrée la main de Jim, qu’ils regardaient ensemble – ensemble – s’éloigner le cargo d’Extrême-Orient, et ils croyaient que le père jusqu’à l’horizon restait à la poupe, puis plus haut agrippé au mât pour les voir, saluer, ses deux fils.
    Ils rentraient alors en courant vers la 17 e  Rue, reconnaissant ce battement de la pompe qui alimentait en eau la blanchisserie Petersen où travaillait leur mère, ce battement…
    Fermer la boucle, se réunir en eux, ceux des origines, toute une vie pour perdre cette énergie qu’ils vous avaient donnée, toute une vie à chercher cet amour, cette fusion des
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