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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II
Autoren: Max Gallo
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qui accompagnent les révolutions avortées ; elle, Emmanuelle, qu’ils écartaient de leurs souvenirs à coups de slogans.
    Pour la première fois je les ai vus mes camarades et Christophe parmi eux, avec leurs visages crispés de fanatiques. Je me suis tout à coup réveillée, échappant à leur rêve, sûre qu’ils se trompaient et moi avec eux, me souvenant de cette réunion, un an, deux ans déjà, je ne sais plus.
    Lee Lou Ching recevant, lors de son passage à Paris, une délégation d’étudiants européens, Christophe et moi parmi les invités, dans la grande salle de l’ambassade de Chine, les murs décorés de portraits de Mao, la table – une immense table autour de laquelle nous nous asseyions, couverte d’une nappe blanche – Lee Lou Ching qui posait ses mains sur la nappe.
    J’avais cru que l’émotion était à l’origine de mon malaise. J’avais observé Lee, essayé de saisir son regard, de comprendre l’homme à la manière dont il levait la main, nous montrait en souriant le petit livre rouge de Mao. Il parlait chinois, puis à la fin de sa courte allocution il avait dit quelques mots en anglais, en français, et en italien, et j’avais pensé : le pape à Rome, les jours de bénédiction…
    On nous avait donné à chacun un livre de Mao, un numéro de La Chine en construction, le texte du discours de Lee Lou Ching : Pour une politique de juste paix dans le monde. Nous étions restés un moment devant l’ambassade, avec la vie de la rue autour de nous, les passants qui se retournaient pour nous regarder, quelques agents. Un instant j’avais pensé : « nous sommes fous ». Mais je m’étais à nouveau enfermée avec eux, Christophe entraînait quelques étudiants étrangers dans un café, des Italiens, un Allemand.
    Plus tard, cet Allemand…
    Est-ce lui ?
    J’étale devant moi mon jeu de patience, lettres d’Allen, d’Emmanuelle, de Julia, de Sarah, carnets de Christophe, articles découpés. Je rapproche ou j’éloigne, je recouvre. De mon passé je fais une réussite.
    Dans le fond d’une enveloppe j’ai découvert quelques feuillets que j’ai écrits peu après la mort d’Emmanuelle :
    La tristesse était
    ample
    comme une plaine
    sans chemin
    J’avais la mort au bout des mains
    tendre
    Et
    C’était le matin.
    Je me levais avant Christophe. Je restais assise devant la fenêtre à regarder la banlieue et j’avais froid. Je m’enveloppais d’une couverture, j’allumais une petite lampe de chevet qui ressemblait à un champignon, j’essayais de lire mais les mots fuyaient, les pages se désagrégeaient. Je griffonnais pour retenir mes pensées, ne pas céder à la peur.
    J’ai écrit, un de ces matins-là :
    Un enfant par égoïsme. Un enfant à aimer pour qu’il m’emporte loin
    De la folie qui nous entoure.
    Un enfant de Christophe pour me garder en vie.
    Quand Christophe se réveillait, que je le voyais assis sur le bord du lit, penché en avant, je sentais physiquement qu’il allait succomber.
    Je voulais crier : assez de mots. La politique n’est juste que si elle laisse en vie, que si elle donne la vie. Emmanuelle était morte. Christophe, que recherchait-il sinon à en finir avec ce qu’il était devenu ?
    Je refusais.
    On le licencia de la C.M.G. et il commença sa dérive que mon amour pour lui fut impuissant à empêcher.
    C’était le temps de la dispersion. Robert devenait professeur, écrivain. Jean-Paul, cuisinier. « La bouffe, tu comprends, me disait-il bien plus tard quand il publia – lui aussi – un livre de cuisine, la bouffe c’est élémentaire, vrai, on touche, on partage avec les autres, on aime quoi ! »
    Gâchis de tant d’années, profusion de mots inutiles pour découvrir à la fin qu’il faut aimer.
    Je ne voudrais pas que Samuel fasse ce long détour mais peut-être chacun doit-il connaître les jours d’errance et ce que j’écris là, mon expérience, je sais bien que Samuel ne la découvrira qu’après, quand lui-même reviendra du pays des mirages.
    S’il revient.
    Je le prends contre moi, je l’embrasse peut-être avec trop de fougue, je voudrais le mettre en garde, mais je peux si peu pour lui, simplement lui donner mon amour.
    J’ai parlé hier avec le jardinier. Il regardait courir Samuel.
    — Il est beau votre fils, disait-il.
    Il recommençait à tailler les lauriers qui bordent l’aire, devant le mas. Il soupirait, allumait une cigarette.
    — La vie, aujourd’hui, c’est une
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