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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II
Autoren: Max Gallo
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La guerre. Der Krieg.
    Ce mot, telle une pierre qui ricochait, heurtait Karin Menninger à chacun de ses gestes. Une porte claquait, parce que le vent de Prusse, glacial, soufflait sur Berlin, et Karin sursautait comme au bruit d’une explosion.
    Ce 3 janvier 1940, elle s’était levée la première et sans attendre l’arrivée de la bonne, elle débarrassait la table. Elle savait que si elle restait assise, elle se mettrait à trembler puis à transpirer, une étrange sensation, insupportable, une eau froide tombant sur ses épaules et une brûlure dans la poitrine, le corps partagé et l’envie – le besoin – de hurler, pour les empêcher, Karl, Dietrich, le père et le fils, de revêtir ces uniformes, de la laisser seule entre ces cloisons, dans cet espace mort, l’appartement vide, et bientôt Berlin tout entier serait vidé, peuplé seulement de femmes comme elle.
    Karin regardait par la fenêtre, suivait le long de la Taubenstrasse les silhouettes pressées du matin et elle imaginait – voyait – les murs tombés, la ville comme un champ de pierres.
    Était-elle seule à connaître la guerre ?
    Elle se souvenait de l’été 1914, le départ de son mari, l’annonce de sa mort le deuxième jour de la guerre et les années de deuil, ces convois de soldats qui traversaient Munich, ces permissionnaires trop gais dont l’ivresse était autant faite de peur que d’alcool, les blessés qu’on évacuait de l’hôpital tard dans la nuit, ce désespoir qui peu à peu imprégnait toute la ville comme un hiver qui n’en finit pas, l’angoisse redoublée quand elle avait rencontré Karl, qu’elle l’avait aimé, soldat lui aussi.
    Un coup discret à la porte d’entrée, un bruit de clé, Lauren, la bonne, qui arrivait. Karin la rejoignait dans la cuisine, posait les assiettes sur la table.
    — Je me suis levée tôt, disait-elle, j’ai commencé.
    Elle hésitait, retournait à la salle à manger, revenait :
    — Votre mari ? demandait-elle enfin à Lauren.
    — Hier, Madame, il est reparti hier matin.
    Lauren ouvrait le robinet, s’essuyait les yeux et le nez du revers de la main, se tournait vers Karin.
    — Puisqu’on a pris Dantzig, Varsovie, murmurait-elle, que le Führer dit qu’on a gagné, peut-être qu’il va y avoir la paix.
    — Peut-être, Lauren, peut-être.
    Karin quittait la cuisine.
    Dans le vestibule, accrochée au portemanteau, la capote de Karl, ornée des épaulettes argent de colonel et du col noir des unités de panzers ; la casquette était posée sur le coffre bavarois, l’un des seuls meubles que Karin avait emportés avec elle quand elle s’était mariée.
    Karin s’assit sur le coffre, les yeux mi-clos, caressant le bois de sa paume, reconnaissant les motifs qu’elle avait si souvent détaillés lorsqu’elle était enfant, les rosaces et les feuilles qui décoraient les flancs. Alors, elle aimait s’agenouiller, poser une feuille de papier sur le bois, essayer de tracer les contours des motifs sculptés.
    — Karin.
    Karl devant elle, la croix de fer à son cou, la vareuse boutonnée, les mains derrière le dos.
    — Je vais partir.
    Il murmurait comme pour se faire excuser, sachant ce qu’elle éprouvait.
    — Je suis persuadé que… reprenait-il.
    Karin restait immobile. Il allait dire que son régiment n’attaquerait pas, que les officiers de son grade n’étaient plus exposés au feu, que…
    Déjà au moment de l’offensive de septembre 1939, en Pologne, il avait essayé de la rassurer, puis Ernst Klein, le général Ernst Klein, l’époux d’Inge, la sœur de Karl, était venu un soir, peu après la chute de Varsovie, embrassant distraitement Karin, mais prenant Dietrich par les épaules : « Ton père est un soldat magnifique, j’ai lu ses rapports, le Führer les a sur sa table, Rommel lui-même les a annotés, tu veux savoir avec quel commentaire ? » Klein sortait son carnet, lisait d’une voix solennelle : «  Officier exemplaire, a conduit lui-même l’attaque du régiment de panzers. A pris, alors qu’il était isolé avec les premières vagues d’assaut, les initiatives qui ont rendu possible la victoire. Le colonel Karl Menninger associe les qualités d’un stratège à celles d’un meneur d’hommes. Je propose une promotion. »
    Klein s’interrompait, fermait son carnet, le frappait contre sa paume : «  Signé général Rommel, ajoutait-il, peut-être avec Guderian le meilleur général de la
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