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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang
Autoren: Pierre Naudin
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Cela ne le rassurait point.
    « Il n’aura jamais la bachelerie de son père et de ses ancesseurs (447) . On ne le verra jamais aux armées, mais il entrera dans des fureurs terribles si nous perdons les batailles où il nous aura envoyés ! »
    –  Eh bien, messires, qu’attendons-nous pour aller de l’avant ?
    Le roi talonna son cheval et enjoignit aux messagers, tout en accompagnant son propos d’un geste de sa grosse main lourde, elle aussi, de mauvaise humeur :
    – Placez-vous à notre suite. Je vous veux présents, demain, à mon sacre. Tous trois. Vous avez mérité l’accès à l’église cathédrale et l’honneur de me raccompagner à Paris où nous agencerons des liesses et des joutes… J’espère que vous en serez.
    Le ton qui se voulait enjoué vibrait d’une indissimulable impatience. L’étincelante révélation de Cocherel se dissolvait dans des pensées autrement plus resplendissantes : être couronné à Reims, c’était être déifié. Dès lors, tout était possible dans une absolue quiétude.
    « Par quoi », s’interrogea Tristan, « va-t-il inaugurer son règne ? »

II
     
     
     
    La procession avançait lentement au long des rues serpentines dont la foule, assemblée de part et d’autre de la chaussée, réduisait dangereusement l’étroitesse.
    – Il n’eût jamais dû s’enfoncer là-dedans. Par le sel de mon baptême, c’est une succession de coupe-gorge !
    – Il est vrai, dit Tristan à voix basse. Le roi n’ignore pas que si quelques Anglais et Navarrais versaient du haut d’une maison, sur son poêle, deux ou trois seaux d’huile bouillante, cette cérémonie prendrait une allure funèbre que je n’ose imaginer. Mais il tient, ce jour d’hui, à montrer son courage.
    Il avait employé le mot poêle à dessein, trouvant la scène qu’il venait de décrire susceptible d’égayer son voisin. Or, Fouquant d’Archiac, qu’il avait retrouvé le matin même, demeura emmuré dans sa maussaderie.
    – Les hommes d’armes qui nous voient passer, Castelreng, et ceux qui piètent avec nous ne pourraient rien contre cet attentat : ni sauver sire Charles ni se saisir des coupables. Trop de curieux nous entourent… Croyez-vous que ce roi sera meilleur que l’autre ?
    – Dieu seul le sait.
    Lors du pêle-mêle bruyant et coloré qui avait accompagné l’ordonnance du cortège – prologue au grand bobant 21 du sacre -, chacun s’était efforcé de transgresser les règles du protocole afin d’être placé le plus près possible du souverain et de son épouse. Relégué parmi les petits vassaux alors que l’Alemant et La Rivière figuraient chez les grands, Tristan y avait découvert Fouquant d’Archiac sans le moindre ébahissement : il connaissait l’attachement de cet impétueux à la Couronne de France.
    –  Comment va mon cheval ?
    – Alcazar n’est plus vôtre, messire ; il m’appartient. Vous ne pouvez en disconvenir. Cependant, soyez rassuré : il est en belle et bonne santé.
    – À Reims ?
    – Non. Je lui ai épargné les fureurs de la guerre.
    – Vous avez du cœur.
    – Pour ceux que j’aime : bêtes et gens.
    En Avignon, ils s’étaient tutoyés. Ils revenaient au voussoiement, ce que Tristan estimait préférable : ils n’étaient point accointés. Ils n’y tenaient d’ailleurs ni l’un ni l’autre. Il se pouvait qu’un jour, à l’occasion d’une nouvelle rencontre, un défi d’Archiac les opposât encore pour la possession d’Alcazar.
    Les façades, maintenant, semblaient guéries de la lèpre et des salissures. On pouvait admirer, suspendus aux fenêtres, des draps enluminés d’herbes et de fleurs, des guirlandes de tissu et çà et là des tentures. De jeunes visages se penchaient, des mains battaient dans un clapotement vif et sans fin ; des cris papillonnaient de bouche en bouche.
    –  Vive le roi !
    – Noël ! Noël !
    – Vivent le roi et la reine !
    – Longue vie !
    Parfois, martelant le charivari, Tristan pouvait entendre, jaillis du pavé nettoyé à grande eau, le crépitement des sabots ferrés. Se pouvait-il que sous son dais Charles V fût à cheval ? Et la reine ? Et les princes, leurs femmes, les gens de Cour ? Lorsqu’il avait rejoint le roi avant son entrée dans Reims, il s’était peu soucié de mettre un nom sur les visages entrevus autour du nouveau souverain – excepté celui de son épouse. Pas plus que la veille au soir, il ne pouvait évaluer le
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