Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
nombre de prud’hommes et de gentilfames conviés au sacre. Il s’étonnait que ces privilégiés fussent plus nombreux qu’au Louvre et que de quelque lieu lointain où les chevaucheurs étaient allés les invi ter, ils eussent disposé du temps nécessaire pour accourir à Paris et suivre ou rejoindre le nouveau souverain sur le chemin de son couronnement.
    « Peut-être savaient-ils la mort du roi Jean très prochaine. Certains – qui sait ? – en furent avisés avant ou en même temps que celui qui n’était encore que dauphin (448) . »
    Charles, son père inhumé, n’avait eu qu’une volonté : être sacré promptement quels que fussent les dangers et les fatigues du voyage.
    Tristan contourna une grosse litière dont un brancard avait cédé. Elle était évidemment vide et l’on avait éloigné les chevaux dans une ruelle attenante. Deux guisarmiers veillaient sur cette épave.
    – On dirait une châsse, dit Archiac.
    – Une châsse gardée.
    – Il est vrai qu’elle est parée d’argent et d’or et emplumée comme un Soudan d’Égypte. Elle peut exciter toutes les convoitises.
    –  Si la dame qui logeait dans ce gros écrin est d’une beauté assortie à sa magnificence, on ne verra qu’elle au sacre.
    – Elle piète en ce moment comme nous et salit le bas de sa robe.
    – À moins qu’elle n’ait une troussoire (449) .
    – Troussoire ou pas, Castelreng, serais-je à cheval que je la chercherais pour la prendre en croupe. Maintenant tout d’abord et cette nuit aussi. En Avignon, j’aurais pu emboiser 22 Jeanne de Naples.
    C’était bien d’Archiac, cette présomption. Tristan sourit tandis que l’image de Luciane envahissait ses pensées. La trousserait-il un jour ? Que faisait-elle en ce moment ? Les Navarrais l’avaient-ils respectée ? Il enrageait de devoir demeurer dans Reims jusqu’à la fin d’un couronnement dont la magnificence, plutôt que de l’émouvoir, l’ennuyait d’autant plus qu’il avait mal dormi.
    Archiac expulsa d’une chiquenaude la coccinelle qui venait de se poser sur la manche de sa cotte gambaisée 23 de lin roux au col paré d’écureuil :
    – On m’a raconté que la cathédrale Notre-Dame a été prolongée de trois travées. Il fallait une nef plus vaste pour accueillir la multitude des jours de sacre.
    Soudain, la pénombre des rues se dilua dans la clarté d’un dimanche dont la solennité s’accommodait du populaire, et même lui devait en partie son éclat.
    – La voilà, dit Tristan. Nous allons atteindre le parvis… Elle est belle.
    – Au nouveau roi cette reine de pierre.
    Archiac parlait du saint lieu comme il l’eût fait d’une femme. Confondant irrévérence et compliment, des prud’hommes, devant, se retournèrent. Sous les velours et les brocarts qui les vêtaient, Tristan les trouva blets de visages et de corps. C’étaient sans doute quelques hobereaux invités au dernier moment afin de grossir la procession. Leurs épouses, bras dessus, bras dessous, continuèrent de cailleter tout en se frayant un passage dans la foule amassée autour d’elles.
    – Une reine pour Dieu, en effet, dit Tristan.
    Les yeux levés sur la cathédrale, il reconnaissait, sans surprise, une sœur de Notre-Dame de Paris. C’était la même unité de plan, la même disposition des ouvertures et des galeries. Pourtant, ce sanctuaire-là paraissait plus ouvré, plus gracieux et hospitalier que l’autre. La pierre, fréquemment, y devenait dentelure. Un grand élan ascensionnel soulevait les lignes, étirait les saillies en flèches, gâbles et pinacles. Le mur s’évidait pour se réduire aux colonnettes des fenêtres, et les tours semblaient des ruches devant lesquelles marchaient et sautillaient des moineaux et des pigeons. Cette façade fouillée, ciselée, abritait quantité de figures tellement animées qu’on les eût dites saisies, frappées d’enchantement lors d’une liesse immémoriale. Et sous cette opulence gesticulatoire, le dais d’azur fleurdelisé du roi commençait à progresser lentement vers le grand huis ouvert sous la rose immense du vaste portique, glissant parmi les têtes avec des remuements de barque à chaque traction des rames tandis qu’entre les tentures qui en rehaussaient la blancheur, les feuillages de pierre semblaient, eux aussi, frissonner au vent printanier.
    L’on n’avançait guère. Des remous, des frémissements, des coups de hanche et mouvements d’épaules agitaient la foule
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher