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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang
Autoren: Pierre Naudin
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Archiac, savoir ce qu’il a dit.
    – Qu’on n’a jamais vu pareille confusion.
    Dix, vingt enjambées encore, et ce furent enfin les voûtes sombres et fraîches sous lesquelles les voix prenaient plus de vigueur et de sonorité tandis que des épées heurtant des genouillères cliquetaient comme des ustensiles de cuisine. Devant, béante, se dressait l’immobile et haute forêt des piliers et des nervures. Dans les sentiers rectilignes, à peine avait-on le temps d’entrevoir la dentelle opulente et crayeuse des lierres et des pampres, et la ronde des créatures naines, tordues, martyrisées autour des chapiteaux. La brume infinie des encens et surtout les glaives lumineux qui la transperçaient dans leur oblique trajectoire, imposaient aux favorisés admis à la cérémonie une sorte de contrainte : ils courbaient qui le dos, qui seulement la nuque, et tandis qu’ils s’épartissaient dans les travées, quelques rires s’émiettaient : certains assimilaient le sacre à quelque somptueux mystère où, pour une fois, les acteurs auxquels ils appartenaient joueraient leur véritable rôle.
    On poussa encore et encore. Décidément, ces presbytériens manquaient de courtoisie. Se détournant derechef, Tristan vit qu’ils avaient des faces de coupe-jarrets. Du coude, il toucha son voisin :
    – Avez-vous vu leurs goules ?
    – Certes !… C’est à douter de la bonté de Dieu.
    – Et si c’étaient des Navarrais ou des Goddons venus céans pour meurtrir le roi ?
    Archiac eut-il l’intuition d’un danger ? Il parut en mesurer l’étendue et à voix basse, déterminé :
    – Laissons-les passer… Épions-les… Venez, suivons-les.
    Ce fut fait, mais les clercs, à coups d’épaule, s’insinuèrent dans la multitude en arguant d’une sainteté que leur habit seul attestait.
    – Bah !… Rassurez-vous, Castelreng : d’autres que nous les auront à l’œil.
    « Qui sait ?… Je jurerais que ce sont des routiers ! »
    Vers les sommets inaccessibles aux vapeurs, le soleil dispersait ses épieux dorés. Ils frappaient ; éblouissaient la pierre, et les clartés suspendues là palpitaient comme si des anges invisibles y eussent battu des ailes. La reine que Tristan, hissé sur ses orteils, entrevit, eut un mouvement de passion violente vers ces hauteurs. Elle semblait ainsi s’adresser au Très-Haut et l’ad jurer de veiller sur un mari dont mieux que quiconque elle connaissait les insuffisances.
    – On dirait qu’elle verse un pleur, commenta Fouquant d’Archiac.
    Jeanne de Bourbon 28 semblait brisée, souffrante – un mal indéfini qui, en ce moment, l’étreignait férocement. Tout aussi livide que sa femme, le roi s’interrogeait sur la proximité d’un cérémonial à la lenteur oppressive tandis que des mitres et des crosses dorées tressautaient autour de sa personne.
    Que se passait-il aux abîmes dorés de cette vie souffreteuse ? Penché entre le chaperon d’un homme et l’escoffion d’une dame aux cheveux défaits, Tristan laissa son esprit s’encombrer des remembrances de son enfance prime et des gestes qu’il avait lues. Leurs cérémonies, par comparaison, lui semblaient encore plus authentiques et attrayantes que celle qui se préparait. Il y avait des livres à Castelreng. La belle et bonne existence !… Jamais, il n’aurait dû « monter à Paris ». Jamais il n’aurait dû abandonner tout cet espace de pierres, d’herbes, de vignes et de ciel à cette gaupe d’Aliénor. Jamais il n’aurait dû lui permettre d’épouser son père. Jamais il n’aurait dû… Quoi ? De ce mariage absurde était né Olivier. Demi-frère ou bâtard ? Il devait revenir à Castelreng pour y venger Oriabel.
    « Le châtel sera mien à la mort de mon père. J’en chasserai cette carogne ! »
    Et l’enfant ?… Eh bien, il aviserait. Mais par quelle malignité du destin fallait-il qu’il évoquât sa demeure ici, à Reims, au moment où commençait le premier rite du sacre et que des chants tout d’abord chiches puis nourris de centaines de voix s’élevaient, obligeant Archiac à hausser la sienne :
    – Il va être couronné par monseigneur de Craon, l’évêque de Reims… qui fut bien près, un jour, de sacrer Édouard III.
    – Il a l’échine souple.
    – Connaissez-vous ceux qui l’assistent ?… Non !… Ce grand à l’air niais, c’est l’évêque de Laon, Geoffroy II le Meingre, frère du maréchal Boucicaut. Il a été élu à la
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