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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier
Autoren: Pierre Naudin
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vesprée, maintenant, qui va nous protéger.
    Tous, comme lui, se sentaient détrempés, gluants de boue des pieds aux genoux, les reins chargés d’un emplâtre de plomb, pareils aux fugitifs d’une armée vaincue. Toutefois, au lieu des flétrissures de l’horreur et de l’abjection inséparables de la guerre, leurs visages ne reflétaient que l’ennui et l’incertitude. Il fut tenté de raffermir leur volonté ; il y renonça de crainte que leur résignation, depuis longtemps silencieuse, ne s’exprimât par des grognements, voire des moqueries acerbes.
    Adelis toussa. Il ne se retourna pas. Norbert rit tout à coup sans raison apparente. Raymond lui enjoignit de se taire. Bressolles également. Ogier soucieux réintégra ses pensées :
    « Que fait mon oncle ? Sa fureur s’est-elle apaisée ?… J’en doute !… Quels hommes a-t-il choisis pour nous pourmener et mestrier [9] en pensant retrouver sa fille parmi nous ?… Eh bien, non, vieillard : Tancrède est je ne sais où, la cervelle embrasée par ses songes absurdes ! »
    Il soupira, partagé entre la déception et la rancune : la damoiselle aux allures de damoiseau avait refusé son aide. Elle était partie vers des contrées inconnues de lui et sûrement d’elle. Jean seul la compagnait. C’était un protecteur blessé, amoindri, incapable d’assurer sa défense ni en Périgord ni en Bretagne : ces contrées subissaient le joug de l’Angleterre et des meutes de routiers à la solde d’Édouard III.
    « Guillaume doit me haïr d’avoir fait évader sa fille. Mais quoi ! On n’emprisonne pas une donzelle de cette espèce – ni d’aucune autre, d’ailleurs – afin de la contraindre à épouser un vieux baron borgne et laid, miséreux et pervers… J’ai, en la délivrant, agi en chevalier. »
    Il sourit au souvenir de l’indignation puis de l’assentiment de ses compères lorsqu’il les avait informés de la fuite de sa cousine, ourdie en partie par lui, et prévenus de l’extrême fureur de son oncle et de ses vraisemblables conséquences. Bien que sa conscience fut sereine, des doutes la troublèrent un moment :
    « Serait-il possible que des gars de Rechignac nous rejoignent et nous obligent à leur livrer bataille, même en l’absence de Tancrède ?… Pendant deux semaines, face au péril anglais, nous avons été unis comme des frères… Par Dieu qui nous assista au cours de cette épreuve, en aucun cas nous ne pouvons devenir ennemis ! »
    Leur seul adversaire demeurait Enguerrand de Briatexte, même en apparence assagi.
    « Je l’ai épargné quand je pouvais l’occire. En retour, il m’a sauvé la vie. N’empêche qu’il me tarde de le voir s’éloigner… Ce serait humiliant qu’il se batte à nos côtés contre les hommes de mon oncle… que je n’ai aucun regret d’avoir trahi ! »
    Il se mentait résolument et ressentait plus que du regret : sa repentance était vivace, corrosive. Tancrède, insensible au remords, ne souffrait certainement pas d’avoir rompu toutes ses attaches avec un père qu’elle ne reconnaissait pas pour tel, une famille et une existence qu’elle prétendait abhorrer. Relevant la tête, il annonça :
    — Nous arrivons à Châlus.
    — Voici presque un siècle et demi qu’un roi d’Angleterre a trépassé sur cette grosse motte, là-bas. Un carreau d’arbalète et c’en fut fait de ce suzerain outrecuidant : Richard Cœur-de-Lion.
    Bressolles, le maçon au visage d’ascète, désignait, par-delà une rivière aux eaux fangeuses, un donjon rond, entre quelques tours blêmes. Ils avaient un air d’abandon.
    — Il est vrai, dit Ogier, que ce cœur de lion n’était, d’après certains, qu’un cœur de chapon à l’inverse de celui de Jean sans Terre… qui tenait du léopard.
    Il se retourna et ne fut point surpris par l’impassibilité de l’homme qui chevauchait à sa suite : Enguerrand de Briatexte. Regardant derechef les murailles au-dessus desquelles tournoyaient des corneilles, il continua :
    — D’après ce que je sais, le roi Philippe Auguste avait dû céder des villes aux Anglais. Il allait devoir capituler quand les seigneurs d’Aquitaine entrèrent en conflit pour son compte. Ils le sauvèrent en ce lieu par la mort du Cœur-de-Lion…
    — On change, comme vous le voyez, commenta Briatexte. Désormais, c’est contre le roi de France que les Aquitains sont en guerre…
    Ogier abandonna cette conversation, la trouvant mal
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