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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier
Autoren: Pierre Naudin
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guerre, c’était l’Écosse. Le roi d’Angleterre entretenait les garnisons en Guyenne et en Flandre ; il ne pouvait en avoir partout. Le Périgord en 1345, la Bretagne et la Normandie de 1342 à 1346, puis le Poitou, le Périgord à nouveau et le Languedoc furent des seconds fronts anglais sporadiques. Quelque violent qu’eût été le désir d’Édouard III de posséder la France, ses moyens lui interdisaient de la conquérir. Par dépit, il la ravagea.
    Quant à Philippe VI, cet uxorieux [5] pédantesque, victime prématurée de ses excès génésiques, son règne ne fut qu’une succession d’erreurs grossières, tant militaires que politiques. Bientôt, du sanglant fatras du royaume et des duchés appauvris, un homme allait émerger et se révéler un serviteur digne de l’incurable balourdise des Valois ; un goujat [6] inculte et vaniteux dont la « sainteté » de Charles de Blois devait s’accommoder à merveille : Bertrand Guesclin.
    Si la Guerre de Cent Ans, à ses débuts, fut un imbroglio terrible, Ogier d’Argouges, du Périgord où il vivait, pouvait tout de même être informé de ses événements essentiels, comme on l’a d’ailleurs vu dans les deux premiers tomes de ce cycle, consacrés à son adolescence et à son adoubement [7] .
    Alors que des combats dévastent la Bretagne et que sa Normandie demeure apparemment paisible, il grandit dans le château de son oncle, Guillaume de Rechignac. Ce n’est pas un adolescent insensible et enjoué comme la plupart des bacheliers [8] de son âge. Et pour cause. Un souvenir affreux le hante et l’exaspère. Alors qu’il allait avoir treize ans, et pour l’éprouver, son père Godefroy, pressentant qu’une grande bataille aurait lieu dans la Manche ou la Mer du Nord, l’a emmené, consentant et ravi, sur le vaisseau amiral de la flotte française, le Christophe. Quelques jours après son embarquement, à la poupe de cette nef, effrayé, écœuré par le sang, les hurlements et les plaintes des adversaires, Ogier a pu assister à l’affrontement des vaisseaux et des guerriers d’Édouard III et de Philippe VI. C’était à l’embouchure de l’Escaut, en un lieu dit l’Écluse, le 24 juin 1340. Commandés par l’amiral Hue Kieret, le capitaine de la mer Bahuchet, le « corsaire » Barbanera et surtout le favori du roi de France, Richard de Blainville, ennemi juré des Argouges dont il convoite et la fille et la châtellenie, les marins, chevaliers et mercenaires de France ont été taillés en pièces. Les quelque trois cents navires aux fleurs de lis dont Philippe VI était si fier ont péri, incendiés ou coulés.
    Il faut à ce désastre sans précédent un coupable. Richard de Blainville incrimine Godefroy d’Argouges qui, pourtant, s’est battu vaillamment. À la suite d’un procès sommaire au cours duquel aucun témoin n’a pu assurer sa défense, le hardi baron, accusé de couardise et de trahison, est dégradé devant les réchappés de la bataille, dans la cour du château de la Broye ou La Broye, près d’Abbeville, en Ponthieu. Ogier, impuissant, assiste à la cérémonie : le harnois de guerre de son père est foulé aux pieds, son épée brisée, son écu renversé, traîné dans la fange, et les deux lions d’or figurant sur ses armoiries sont diffamés, c’est-à-dire privés de leurs queues touffues. De ce fait, les Argouges sont voués à la mésestime publique, sans possibilité pour le baron déchu de plaider son innocence et de dénoncer le principal responsable de la défaite de l’Écluse : Richard de Blainville, traître à la couronne de France.
    Échappant de peu au bourreau grâce à l’intervention de quelques compagnons – qui disparaîtront mystérieusement – Godefroy d’Argouges a confié son fils à son beau-frère, Guillaume de Rechignac, et au sénéchal de celui-ci, Hugues Blanquefort, afin que, profitant de leur savoir, le jouvenceau accomplisse ses « enfances » en Périgord. Pour le soustraire à la haine de Blainville, les trois hommes ont décidé de le faire passer pour mort des suites de fièvres contractées dans le sanglant bourbier de l’Écluse. La mère d’Ogier, Luciane, sa sœur Aude et leurs serviteurs ignorent qu’il est vivant.
    Dans l’enceinte et aux alentours de Rechignac, Ogier acquiert l’expérience des armes et des femmes. Lors de l’été 1345, sa cousine Tancrède, qu’il avait entrevue à son arrivée au château, revient du couvent. Elle
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