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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier
Autoren: Pierre Naudin
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hérauts appelaient le ban et l’arrière-ban au combat. Manants et culverts tout en muscles, maigres, endurants, aussi mal armés que mal vêtus, que les prud’hommes méprisaient… Sans eux, – Briatexte avait raison – pas de guerre possible, les seigneurs étant insuffisants… Et comme ces pendus l’avaient rendu soucieux, comme il chevauchait en quelque sorte vers l’inconnu – la Normandie, c’était si loin encore –, le jeune chevalier arrêta Marchegai, son coursier, sur le bas-côté afin de voir passer ses compagnons.
    — Ça ira, Adelis ?
    Elle eut un mouvement de tête affirmatif, et Titus, au son de cette voix familière, battit des ailes, malheureux d’être aveuglé par son chaperon de cuir.
    Derrière, sur son genet sans nom, Bressolles, de noir vêtu, mordillait une brindille. Il eut un bref sourire et passa.
    Venaient ensuite Norbert, le charpentier devenu homme d’armes, sur un roncin pommelé : Turpin ; et Raymond, sur Marcepin, le cheval du défunt Haguenier de Trélissac. Le sergent conduisait le mulet de bât, docile et endurant.
    Briatexte suivait, grimaçant :
    — La nuit va nous surprendre. Il faut nous arrêter.
    Il chevauchait Artus, son destrier noir. Quoiqu’il eût le bras en écharpe, il s’était bien armé : épée, poignard et dans son dos ce bouclier qu’Ogier avait bosselé lors de leur affrontement : de sable à un lion d’argent, la queue fourchée.
    Thierry fermait la marche, laissant les rênes lâches à Veillantif, le grison borgne de feu Blanquefort, sénéchal de Rechignac. Attachée à sa selle, une longe reliait le cheval à Passavant, lequel portait de part et d’autre du garrot les pièces de l’armure enfardelées dans des peaux de cerf, et sur un flanc trois lances, et sur l’autre deux épées, des sacs de vêtements, des couvertures ainsi que le houssement de Marchegai.
    Enfin, Saladin suivait. Ivre de liberté, le grand chien jaune warrouillait [12] , heureux de découvrir des odeurs inconnues et de les arroser de loin en loin.
    — Entrerons-nous coucher dans quelque hôtellerie ? questionna Briatexte en désignant les murs de la cité.
    — Non… On nous pourchasse peut-être encore… Continuons !
    Thierry retint Veillantif dont le pas s’écourta :
    — Traverserons-nous, messire Ogier, les terres des Augignac ? Nous en approchons et Renaud vous a mis au défi d’y pénétrer…
    — Nous les éviterons bien que Renaud ne m’effraie nullement ! Il manque par trop de vaillance, quoique je ne sache te dire de quoi elle se compose !
    Briatexte eut ce rire léger par lequel il semblait toujours vouloir affirmer sa supériorité sur autrui :
    — La vaillance, c’est d’être forcené. C’est de passer là où les autres renoncent… Pour cela, point de méditation, car c’est dans l’action qu’on atteint sa propre vérité.
    — Et votre vérité, messire, quelle est-elle ? demanda suavement Bressolles.
    Il savait que sa question irriterait cet homme mystérieux et fier.
    — Ma vérité ?… Je ne vous souhaite pas de la connaître.
    Il y eut un silence ; Bressolles toussa, et de sa voix chantante :
    — La vaillance n’est pas seulement d’attaquer ou de se défendre en employant tout autant de forcennerie mortelle. Elle consiste à supporter sans gémir le fer rouge d’une plaie ou d’un deuil ; à accepter, lorsqu’on ne peut faire autrement, le joug, l’iniquité, la souffrance du cœur… Il en faut aussi pour avouer ses péchés, car elle n’est pas toujours ce qui échauffe le sang, mais ce qui peut rafraîchir l’âme… Voyez ce loudier [13] , là, dans son champ, avec ses penailles et ses jambes emplastrées de terre ! Sa vaillance à cet homme-là est une des plus honorables : elle consiste à se lever le matin afin de vivre un jour encore…
    Norbert ricana ; il fut le seul. Briatexte jeta sur le paysan un regard dépourvu de commisération :
    — La mort pour lui serait peut-être une bénédiction.
    Ils s’engagèrent le long des murailles, vides, apparemment, de guetteurs. Flagellées par le vent aigre, des ronces poussaient le long des pierres. De leur frange vert-brun une pie s’échappa et vola par-dessus les arbres.
    — Ah ! compagnons, dit Bressolles en suivant l’oiseau du regard, je ne sais ce qu’il adviendra de nous au cours de notre existence, mais, gens de guerre, n’ayez point trop le goût de la vaillance… Jetez-vous en avant pour commettre le bien.
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