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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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foncé de sa robe mettaient en évidence la blondeur de ses cheveux rassemblés en deux tresses. La fatigue et la faim pâlissaient ses joues, donnant à son regard un éclat d’une pureté d’émeraude. Et soudain, à l’épier, Ogier éprouva envers elle comme une dilection floue, insidieuse.
    — Pardonnez-moi. J’ai trop exigé de vos forces…
    En caressant Titus, il s’approcha de Thierry occupé à pousser les vantaux de la grange.
    — Ça me paraît bon pour une nuit, messire.
    C’était une construction vaste, rectangulaire, prenant le jour par deux embrasures et dont une partie avait été aménagée en écurie pour cinq chevaux. Le silence et la familière odeur du fourrage étaient rassurants. Dans un angle, un escalier accédait au galetas.
    — Va voir là-haut, Thierry, et méfie-toi tout de même.
    L’écuyer monta ; bientôt il se pencha au-dessus de la rampe. Il riait :
    — Messire, nos bêtes vont avoir de quoi manger. Voyez !
    Tels de gros nuages échevelés, des brassées de foin tombèrent dans les râteliers.
    Norbert et Raymond apparurent. Ogier les rejoignit :
    — Abreuvez les chevaux et faites-les entrer. Cinq iront dans les parcloses ; les autres seront attachés autour de nous… Pour éviter que tous ces mâles ne piaffent et se querellent, nous mettrons Facebelle loin d’eux, sous ces marches…
    — On y voit à peine. Ferons-nous du feu pour cuire notre lippée ?
    — Non, Briatexte. Nous avons une esconse [17]  ; elle suffira.
    — Quel dommage que le temps nous manque !
    — Pourquoi ?
    — Nous sommes au milieu de la cervaison [18] . J’aurais bien mangé du cerf.
    — Vous le chasserez sur vos terres ! Pour ce jourd’hui, c’est nous qui sommes le gibier. Ouvrez vos yeux et vos oreilles plutôt que de penser à ouvrir votre bouche !… Thierry, sors l’étoupe et bats le briquet. Donne-nous du luminaire.
    Plus tard, quand les chevaux, la jument et le mulet furent à l’attache, on se sustenta de pain, saucisson et bacon – Saladin et Titus y compris – à la lueur du lumignon. Debout, l’épée au côté – il était le seul –, Ogier fit mettre un tonnelet en perce et octroya un gobelet de vin par personne. Sur la face glabre de Norbert, la grimace fût plus éloquente que sur celle de Raymond, au visage noir de barbe. Il ignora leur déception et marcha vers la perche enfoncée dans le mur et sur laquelle, la tête sous son aile, son faucon semblait dormir.
    « Demain, songea-t-il, il lui faudra de la viande fraîche, tout comme à Saladin. »
    Puis, s’adressant à ses compagnons :
    — Nous devons sans relâchement veiller sur cette grange. J’assurerai le premier guet, et toi, Thierry, le second.
    — Moi, le troisième, dit Bressolles.
    — Pas vous, Girbert. Vous n’êtes pas homme d’armes.
    Ogier tourna son regard vers Adelis ; le maçon comprit et se résigna.
    — Norbert et Raymond, vous prendrez un par un notre suite.
    — Et moi ? s’empressa Briatexte.
    — Non.
    Ogier ne fournit aucune explication à ce refus. Il sortit, accompagné de son écuyer.
    — Demain, messire, il nous faudra bon gîte et bonne chère.
    — J’y pense.
    — Ce que je souhaite aussi, c’est que Briatexte nous quitte. Comment avez-vous pu vous encombrer d’un tel homme ? Méfiez-vous-en !
    — N’aie crainte… Nous n’avons, tu le sais, nul respect l’un pour l’autre, mais il y a comme une trêve sincère entre nous… Et puis, quoique fidèle aux Goddons, il est chevalier. Il ne peut agir déloyalement envers moi ni envers quiconque d’entre vous.
    — Sornettes que tout cela ! Ce goguelu est un aspic… Ah ! là, là… Je me souviens de ses allées et venues sous les murs de Rechignac en compagnie de Robin Canole et de ses malandrins… Je n’oublie pas nos morts : mon frère, mes compains…
    — Je n’ai rien oublié, Thierry, rassure-toi !
    La lune apparut ; sa clarté laiteuse glissa des nuages à la pointe du toit, criblant le chaume, les herbes et les fourrés de gouttes opalescentes. Très haut vers le Levant brillait l’escarboucle d’un feu. Il faisait doux. À quelques toises en contrebas glougloutait la cascade. Une chouette au vol mou passa, pour hululer une fois branchée.
    — Mauvais signe, dit Thierry. Il y aura bientôt mort d’homme quelque part.
    — Je ne crois pas à ces sornes. Et si je te prends un jour à clouer une de ces bestioles sur une porte ou un contrevent, je te

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