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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial
Autoren: Pierre Naudin
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venait de se réaliser par l’enchantement d’un geste. Il lui sourit, sentant renaître et gronder en lui la haine qu’il vouait à Flourens et qui l’avait, un temps, abandonné. Si le malandrin lui était apparu, il l’eût assouvie devant elle, férocement, son sang dût-il couler en abondance.
    Le surgissement du malandrin dans ses pensées lui prouvait à quel point il avait engagé son cœur dans cette audacieuse aventure. Elle lui laissait pressentir quels remords l’accableraient si hélas ! elle échouait.
    –  Notre obstination, c’est notre sauvegarde.
    –  Je sais, messire. N’ayez crainte que je défaille.
    Ce qu’elle aimait de lui, c’était le protecteur, l’équilibre entre sa volonté et ses actions, ce que ne pouvaient saisir ses mains innocentes, ce qui ne se discernait qu’après des jours et des jours d’intimité chaste ou non.
    –  Nous sommes des pèlerins en marche vers votre bonheur.
    –  Et le vôtre ?
    –  Il est loin, Teresa.
    À peine venait-il d’évoquer Luciane qu’il s’éloignait d’elle. À cause de cette main fragile et forte dans la sienne. Avec son épouse, outre les émois des dangers partagés, ils avaient tout éprouvé. Les joies, les doutes et l’espérance avaient précédé leur union charnelle. Teresa, vierge frémissante, devait se demander ce qu’était l’amour. Elle n’était point dans l’ignorance de ce qui se faisait dans un lit, qu’il fut d’étoffe ou d’herbe. Il y avait une espèce d’attrait dans l’abandon de sa senestre dans une dextre d’homme, de chevalier. Mêler les mains précédait le toucher des lèvres. Et le toucher des lèvres précédait…
    –  Là ! dit Paindorge. Messire, ce serait bien… Voyez : ce sentier conduit à ces chênes, là-haut. Nous pourrions voir venir et, le cas échéant, repousser une envaye 7 .
    Tout en acquiesçant aux propos de son écuyer, Tristan se réjouit d’avoir cheminé tant de lieues sans jamais jouer de l’épée. Avaient-ils définitivement distancé l’armée ? Les bords de la route commençaient à se couvrir d’herbes hautes ; les arbres devenaient plus nombreux et plus forts, surtout en ce lieu que Paindorge désignait du doigt, impatiemment.
    –  Soit, montons.
    Il fallut lâcher la main de Teresa. Tristan, tout autant qu’elle, en conçut de la peine. C’était comme un réveil désagréable après un sommeil bienheureux.
    –  Venez, m’amie.
    Teresa, réveillée du même songe, porta sa senestre encore tiède à ses joues comme pour en effacer la roseur. Il devait la dissuader de tout. Si elle croyait – comme il y avait cru du temps d’Oriabel – à la toute puissance de l’amour, elle se méprenait. L’amour, après un certain temps, perdait sa constance et sa flamme. La preuve ? Il pensait à Luciane avec un détachement qui le confondait et dont il craignait qu’il ne fût inguéris sable. C’était certes un peu effrayant de se découvrir un cœur étranger dans ce corps qui avait tant pressé contre lui celui de son épouse ; de ne plus trop savoir la couleur de ses yeux, le timbre de sa voix et la sonorité de ses rires. À son insu, la pucelle avait consolidé en lui une confiance en des moyens dont il craignait pourtant l’affaiblissement, voire la défection, si des événements leur devenaient hostiles. Elle n’osait parler. Elle le suivait, Babiéca la suivait et les autres : hommes et montures. Il savait qu’elle observait le moindre de ses mouvements pour trouver peut-être dans ceux-ci la netteté qui convenait aux gestes des chevaliers. C’était une curiosité flatteuse. Par la seule force de celle-ci, il parvenait à écarter les menaces qu’il sentait sourdre, parfois, autour d’elle et de son frère, et qui le concernaient aussi puisque, si celles-ci se réalisaient, le sang coulerait.
    –  N’ayez crainte pour moi, messire, et pour Simon…
    Avait-elle suivi ses pensées au fur et à mesure de leur maturation ? Il imagina son front pensif, obscurci par l’ombre du chaperon et des branches, ses épaules graciles, ses timides mamelettes…
    « Non », se dit-il, « demeurons l’un pour l’autre une énigme. Ce sera tellement mieux. »
    *
    Ils n’évitèrent pas Madrid mais traversèrent la cité parmi quelques centaines de piétons et de voituriers qui se rendaient au marché ou en revenaient. Vêtus sans recherche, l’air paisible, on eût pu les prendre pour quelque seigneur madrilène et ses gens
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