Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
sycomores ?
    –  Moult, messire.
    –  Alors, je n’y ai pas fait attention.
    Tristan s’avoua qu’il était plus enclin, dorénavant, à regarder devant lui, laissant au seul Paindorge le soin de surveiller l’arrière.
    Après Honrubia de la Cuesta où s’érigeait une côte, et Boceguillas où seul un âne occupait la rue, le chemin monta de plus en plus. La sagesse voulait qu’ils prissent leur temps pour atteindre le sommet.
    –  Pied à terre et au pas… Non, Simon, demeure en selle… Teresa, menez Babiéca par la bride et avancez à pied auprès de votre frère.
    Ils se devaient de ménager les bêtes. Ils pouvaient, inopinément, exiger d’elles un long galop et il fallait qu’elles fussent en mesure de le fournir. Ils s’accordèrent une halte à ce qu’ils croyaient la mi-montée, se dispersèrent les uns derrière une haie, Teresa et Simon dans un boqueteau. Ils repartirent toujours confiants, prudents et silencieux.
    –  Sans doute, dit tout à coup Lebaudy, s’ils nous suivent, ils demandent aux loudiers (390) des villages s’ils nous ont vus.
    –  Certes, dit Tristan. J’en ferais autant si j’étais à leur place.
    Le chemin s’élevait toujours. La pente devenait roide. Peu après Cerezo de Abajo, alors qu’ils franchissaient un pont, Serrano leur désigna, dessous, une rivière.
    –  Le Cerezuelo… Messire Tristan, nous devrions mener les chevaux, mule et sommiers sur la berge. L’eau est haute, il y a déjà de l’herbe. Qu’ils boivent et mangent un peu. Ensuite, le chemin penche comme le talus d’une tour.
    –  Soit… Menons soigneusement nos bêtes par la bride… Simon, demeure en selle… Baisse-toi : gare aux branches…
    Par un étroit sentier, ils atteignirent la rivière. L’endroit était paisible et frais comme une crypte. Tandis que ses compagnons, Teresa et Simon s’approchaient de l’onde argentée par un trait de soleil, Tristan alla s’asseoir à l’écart sur un rocher de la taille d’une escabelle.
    –  Ce n’est ni l’Aude ni cette rivière qui coule à Gratot et dont j’ai oublié le nom.
    Il s’était exprimé à mi-voix, sur un ton certainement lugubre. C’était la première fois, depuis quelques jours, que le passé, de nouveau, s’emparait de sa mémoire.
    Que faisaient-ils tous, aussi bien Thoumelin son père que Luciane et les autres ? La vie continuait-elle doucement à Gratot ?
    « Est-ce ma faute si j’y songe de moins en moins ? »
    Il était poussé par un courant auquel il ne pouvait se soustraire, entraîné de la même façon que ces brindilles qui cagolaient à la surface du Cerezuelo. Certaines tournoyaient comme des corps frappés à la bataille ; d’autres, plus petites, lourdes d’une eau qui avait pénétré leurs moelles, se laissaient emporter entre deux flots et sans doute, bientôt, s’en iraient pourrir au fond. Et lui ? Quelles batailles ? Que dirait-il au duc de Bourbon lorsqu’il le reverrait ?
    Il n’y voulut point songer. Tout proche, le rire de Teresa semblait soutenir celui de Simon. Serrano y mêlait parfois le sien et il leur advenait d’échanger des propos dans leur langue natale. Ici, c’était la paix ; un havre bucolique orné de chants d’oiseaux et des frémissements d’une rivière grossie par la fonte des neiges lointaines. Les chevaux avaient bu. Alcazar, les naseaux bas, semblait sentir les herbes avant de les rompre et de s’en délecter. Elles étaient hautes, d’un beau vert neuf. On voyait les mêmes à l’entour de Gratot.
    Maintenant, à ce point précis de la journée, Luciane pensait-elle à lui ? Où se trouvait-elle ? Avec qui ? Au printemps, Gratot ne manquait pas de charme.
    Il s’aperçut qu’il respirait mal parce qu’un sentiment soudain, violent, l’étouffait : le désespoir d’être si loin, impliqué non seulement dans une espèce de répugnante croisade, mais encore, mais surtout dans une aventure où la vie de deux enfants dépendait de ses capacités d’astuce et de défense. «  Pourquoi fais-tu cela ? » eût pu lui reprocher Luciane. «  Préserver ta vie ne te suffit-il point ? » Eh bien, non. Il défendait la cause du droit des êtres humains à vivre, quels qu’ils fussent. Il croyait à la bonté, à la puissance des affections immédiates ou non ; il croyait à l’amour tout autant qu’à la haine. Devant lui, l’inconnu. Derrière, un vent de vengeance et de mort. Il devait mettre Teresa et Simon hors
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher