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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial
Autoren: Pierre Naudin
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lui ouvrît les bras.
    –  Il faut nous escamper, m’amie. Le temps nous est compté.
    Ils revinrent aux chevaux. Paindorge avait déjà enfourché Tachebrun. Lebaudy délivrait Coursan de son frein (388) et des rênes pour les assujettir à Pampelune : le temps que son cheval ait recouvré ses forces, il chevaucherait le genet navarrais. Jean Lemosquet, sur son Arzel, prenait Simon en croupe et son frère Yvain, toujours scrupuleux, vérifiait les fers de Nestor avant de l’enfourcher. Eudes et Petiton sautaient eux aussi en selle.
    –  Hâtons-nous, Teresa.
    Refusant toute aise, la jouvencelle saisit le pommeau et le troussequin de Babiéca 1 et sauta aisément en selle. Serrano mena son Cristobal auprès de Carbonelle, bâtée, qu’il mènerait à la longe. Restaient Malaquin, le cheval du défunt Ogier d’Argouges, et les deux sommiers.
    –  J’en prends un, dit Tristan. Toi, Petiton, prends l’autre. Eudes, surveille le roncin de mon beau-père. Il nous suivra comme un grand.
    La peur avait quitté ses pensées en déroute.
    –  Lentement, dit-il en les précédant tous. La poudre des chemins nous pourrait dénoncer… Sortons de cette voie. Allons piéter où l’herbe est rare.
    Nul ne bronchait. Il s’en félicita. La chaude compassion de ses compagnons pour les deux enfants confiés à sa garde lui était douce. Il ne songeait, maintenant, qu’à la tâche qu’il se devait d’accomplir.
    –  Robert !
    –  Messire ? dit Paindorge.
    –  Passe à l’arrière. Si par malheur un cheval crotte, disperse cette fiente comme tu voudras. Il ne faut pas laisser la moindre trace.
    *
    Ils s’étaient arrêtés, accablés de chaleur, sous un vaste et providentiel rocher qui, au bord du chemin, s’avançait tel un auvent. Le fond creux composait une sorte de caverne où les chevaux eux-mêmes, de la tête et du garrot, pouvaient profiter de l’ombre. Sans doute, depuis des temps lointains, cet antre servait-il aux passants et aux bergers : une épaisse croûte de suie en noircissait la voûte.
    Ils ne surent d’abord quels propos échanger. Les mots s’étaient taris ainsi que leur salive. Tristan vérifia les fers d’Alcazar, Paindorge ceux de Malaquin, Tachebrun, Coursan et Carbonelle – en vérité, dit-il, la plus obéissante des mules. Confiant sa guiterne à Simon, Serrano souleva les jambes de son genet, puis celles de Babiéca, fier cheval noir au troussequin dépourvu de cette Tizona ou de cette Collada dont il chantait parfois les mérites dans les mains de ce Cid légendaire qui les avait conquises au roi de Valence et au comte de Barcelone, jadis.
    Assise à l’écart, Teresa faisait sauter sur sa paume un caillou gros comme un œuf de pigeon. Tristan s’approcha :
    –  Ne craignez rien. Flourens ne nous rejoindra pas.
    –  J’ai peur.
    Son visage était blême et ses lèvres tremblaient. Il y avait quelque chose d’aride ou d’inachevé dans ses traits. Elle semblait vouloir leur conserver leur fraîcheur, leur incertitude un peu floue, mais quand ils exprimaient un sentiment, ils rayonnaient d’une vivacité et d’une persuasion qui ne laissaient point d’émouvoir Tristan et sans doute la plupart de ses compagnons. Or, c’était une angoisse sans fond qu’ils exprimaient en cette fin de matinée.
    –  Rassurez-vous. Tolède n’est pas si lointaine. Vous y serez en ségurement…
    Il mentait. Il se pouvait que le roi Pèdre fût encore dans la cité. Certes, il était l’ami des Juifs. Mais il devait savoir que ceux de Burgos l’avaient en quelque sorte trahi en accueillant à leur corps défendant Enrique de Trastamare et en lui ouvrant leurs coffres.
    –  Je ne sais trop comment vous rassurer, Teresa.
    –  Ne dites rien, messire. Ce hijo de puta nous portera malheur.
    Tristan n’osa dissuader sa protégée d’entretenir des pressentiments aussi sombres. Une fois de plus, depuis la fuite de Flourens, il se reprocha d’avoir insuffisamment veillé sur la jouvencelle.
    « Je ne pouvais pas faire plus à moins d’être déshonnête. »
    Chaque fois qu’elle avait dû s’isoler au-delà d’une haie ou d’un rocher, il n’avait osé s’approcher de ce refuge éphémère. Il surveillait ses hommes. Flourens avait déjoué sa vigilance.
    « J’aurais dû l’occire. Je me suis conduit comme un presbytérien : le sermon, le pardon… Désormais, je n’ai aucun droit à l’erreur ! »
    Quant à ses compagnons, bien qu’ils eussent tout
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