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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres
Autoren: Lucien Rebatet
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nous crient leur hâte à se rendre utiles, qui ont mis en nous, journalistes, hommes politiques, leur confiance entière et nous suivraient où nous voudrions.
    Quand je suis au comble de l’écœurement et de l’exaspération, je rassemble autour de moi tous ces visages ingénus et francs, ceux qui me sont familiers, ceux qui demeureront toujours imaginaires. La France active est là, et nulle part ailleurs. Ce sont encore des niaiseries militaires, périmées et fleurant le futur casse-pipe, que de vouloir réunir les anciens combattants. Ceux de l’autre guerre avaient déjà perdu la partie en 1920, leur fraternité d’armes n’a été qu’un jouet pour les politiciens.
    Il n’y a rien de commun entre les soldats de Douaumont et ceux de notre grande fuite. On ne regroupe pas des hommes autour d’un souvenir honteux. La captivité en Allemagne ne crée malheureusement pas davantage des titres politiques. C’est parmi les prisonniers que l’on compte sans doute le moins de capons. Mais comment les distinguer de ceux, innombrables, qui ont été cueillis le plus vulgairement du monde ? Le seul rassemblement positif doit se faire autour d’une idée neuve et forte. C’est le rassemblement de la véritable élite, de ceux qui ont par miracle gardé l’esprit sain et qui peuvent mettre un peu de bravoure à son service, ce qu’il y a chez nous de moins racorni, jeunes gens, ouvriers des villes qui possèdent encore des nerfs et de la flamme, une poignée de bourgeois et d’intellectuels, bref la troupe classique de toutes les révolutions, le noyau tout désigné du parti unique de la France. Ils représentent la volonté qui entraînera le troupeau et au premier rang sans doute les prolétaires rouges, ceux qui dans leur naïveté et leur colère sont les plus proches de nous.
    Ils brûlent de devenir des militants. N’oublions pas que si leur nombre est petit, leur vaillance, leurs convictions se sont décuplées. C’est le carré de ceux qui ont résisté à tout.
    La troupe existe donc. Elle a aussi ses guides. Du moins quelques douzaines d’hommes se flattent en France de tenir ce rôle et en font état. J’en connais plusieurs, qui portent les couleurs du nationalisme, les seuls dont je veuille parler ici. Mais les autres, d’où qu’ils viennent, peuvent faire les mêmes réflexions.
    Je vis depuis des années parmi des nationalistes qui ont multiplié les preuves de leur intelligence. Nous avons le droit de revendiquer très haut notre place à la tête des révolutionnaires. Nous avons, les premiers, redécouvert l’antisémitisme pour aller aussitôt jusqu’au bout de ses conséquences. Nous avons été les premiers partisans de l’ordre neuf, et la canaille, qui pour une fois ne s’est point trompé, nous a suffisamment salués du nom de fascistes assassins. Nous avons vu s’écrouler sur nous de gigantesques montagnes d’insanités, nous avons dû traverser sans répit, les uns après les autres, des mascarets de sottises. Nous sommes toujours sur nos pieds, la tête claire, dans la bonne voie. Nos compas étaient bien réglés.
    Nous avons fait les preuves de notre courage avant guerre, et bien plus encore aujourd’hui. Nous avions tout loisir de rechercher et d’obtenir de paisibles sinécures, de reprendre nos métiers en tournant le dos aux affaires politiques, en arguant la tristesse et la confusion des temps. Par amour de la France et de la vérité, nous nous sommes dressés contre l’opinion funeste mais quasi unanime du pays. Les plus ignobles injures, les plus sauvages menaces se sont abattues sur nous. Nous sommes les traîtres à exécuter, inscrits sur les listes noires de dix bandes. Notre combat n’est pas fictif. Il a ses morts. Tandis que les militaires, les gaullistes, les journalistes enjuivés étalent leurs grotesques fanfaronnades, nous attestons que des Français sont encore capables de bravoure civique.
    Plus je vois la nécessité pour mon pays d’une révolution fasciste et plus je suis persuadé qu’elle ne peut s’accomplir sans nous, sans que nous prenions le pouvoir ou que nous y participions largement. Nous devons être le levier du fascisme. Tout nous y destine, et c’est un rôle admirable.
    Mais nous avons à confesser nos fautes. Les meilleurs d’entre nous ont péché par dilettantisme. J’ai été, nous avons été, des intellectuels fins connaisseurs en politique, comme nous le sommes en peinture, en poésie, en cinéma. La
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