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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres
Autoren: Lucien Rebatet
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AVANT-PROPOS
    La France est couverte de ruines, ruines des choses, ruines des dogmes, ruines des institutions. Elles ne sont point l’ œuvre d’un cataclysme unique et fortuit. Ce livre est la chronique du long glissement, des écroulements successifs qui ont accumulé ces énormes tas de décombres.
    D’autres mémorialistes viendront, qui auront connu davantage d’hommes célèbres, joué dans les événements un rôle plus considérable. On lira ici les souvenirs d’un révolutionnaire qui a cherché la révolution, d’un militariste qui a cherché l’ armée, et qui n’a trouvé ni l’ une ni l’ autre. Pour des témoignages de cette sorte, la première condition de l’ absolue sincérité est que l’ auteur y parle souvent de lui. Je ne pense donc point avoir à m’en excuser. Je n’aurais pas multiplié tant de sensations, de réflexions personnelles, si je n’avais su que maints lecteurs s’y reconnaîtraient.
    Il m’aurait été facile de faire un livre de définitions aussi épais que celui-ci sur les concepts de démocratie et de national-socialisme. J’aurais pu provoquer une fort belle bataille de mots autour d’eux. Mais ces jeux élégants n’ont que trop duré. La démocratie, le national-socialisme sont des phénomènes suffisamment concrets pour qu’il soit superflu d’en faire encore une glose. J’ai préféré peindre de mon mieux la vie et la lutte de ce qu’ils représentent. [ Les dernières pages de ce volume pourront paraître sans doute sommaires. Mais il n’a point été dans mes intentions d’en faire un manifeste qui ne saurait être qu’une œuvre collective. Je souhaite qu’on y entende plutôt un cri de ralliement, celui qui doit sortir de toutes les bouches vraiment françaises. ]
    J’ai parlé sans ménagements de plusieurs hommes qui ont eu naguère mon estime ou mon affection. Mais ce n’est point moi le renégat, ce sont eux. Je suis resté dans la logique de mes principes, fidèle à mes convictions qui étaient ou semblaient être les leurs. Pour eux, ils ont dévié, tourné casaque, vilipendé les premiers leurs amis, créé à mon pays par leurs folles humeurs une quantité de périls supplémentaires. Je n’allais pas, au nom de liens anciens qu’ils ont brisés de leurs mains, étendre un silence équivoque sur leurs palinodies et leurs trahisons.
    Je tiens à dire encore que je n’ai à recevoir de personne des leçons de patriotisme, et que je puis prétendre au contraire à en donner. Je suis un de ceux qui, s’ils avaient été écoutés et suivis avant-guerre, voire depuis l’ armistice, auraient évité à notre patrie tous ses malheurs, les auraient en tout cas largement réparés déjà. J’ai acquis le droit d’entendre mon devoir à ma façon, et d’estimer que c’est la meilleure.
    Des personnages dont toute l’ ardeur nationale consiste à se claquemurer, depuis deux ans, dans de séniles, impossibles ou répugnantes espérances, vont hennir d’horreur en considérant le tableau que je fais de notre pays. Mais l’ inertie, la pudibonderie de ces gens-là nous ont déjà coûté assez cher. On ne choisit pas son heure pour débrider des plaies infectées, pour arrêter une gangrène.
    La France est gravement malade, de lésions profondes et purulentes. Ceux qui cherchent à les dissimuler, pour quelque raison que ce soit, sont des criminels.
    On connaît ce drame lamentable encore trop fréquent dans notre absurde bourgeoisie. La jeune fille d’une bonne maison s’étiole. Le médecin consulté décèle une tuberculose pulmonaire. La famille rassemblée se récrie aussitôt   : « Non, ce n’est pas possible, il n’y a jamais eu de phtisiques chez nous. Le sanatorium   ? Quelle abomination   ! Que diraient les voisins   ? » On met la main sans peine sur un charlatan qui rassure, qui offre ses drogues. On soigne l’ enfant pour une bronchite dans un entresol distingué et ténébreux. On vante sa bonne mine. Au printemps prochain, elle sera debout. Et au printemps, la petite Colette, la petite Marie-Louise, qui pouvaient guérir, meurent à dix-huit ans.
    Je ne veux pas voir déposer la France entre quatre planches. Si elle était condamnée, ce serait alors que l’ on pourrait la bercer, lui parler de mirages, lui cueillir des couronnes. Je me refuse, quant à moi, à croire quelle soit incurable. Mais pour la traiter et pour la sauver, il faut d’abord connaître les maux dont elle souffre. Ce livre est une
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