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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres
Autoren: Lucien Rebatet
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politique, apprise par trop d’entre nous à l’école maurrassienne, a été le déversoir de nos dons littéraires, philosophiques, qui eussent trouvé ailleurs un plus durable emploi. Il est très beau de fignoler la cité future. Mais lorsqu’on en voit si bien le plan, pourquoi tant tarder à en dresser les murs ? La spéculation politique est superflue dans des années où le monde se reconstruit à toute vitesse. On a tout annoncé, tout dessiné, mais pendant ce temps, ce sont d’autres hommes que nous qui refont l’histoire, ils la feront moins bien peut-être parce qu’ils ne nous valent pas, mais elle est, et c’est cela qui compte. La politique n’est pas un idéal de la pensée. C’est avant tout la nécessité de nettoyer et de remettre de l’ordre chez soi. Cet art est assez sommaire. Celui qui cherche la perfection n’a qu’à lui tourner le dos, à s’enfermer dans sa chambre et à écrire des poèmes.
    — Mais les libertés de l’esprit dont nous sommes politiquement les défenseurs ?
    Ne voit-on pas que la France, que l’Occident ont abusé de ces libertés jusqu’à éreinter cet esprit, à le réduire en miettes ? Non, ne craignons rien. Pas d’amphigouris. Une cure de discipline est nécessaire. Il nous faut quelques bonnes grosses idées, solides et enfoncées comme des pieux. Le reste appartient à la littérature, où, pour ma part, je prise volontiers l’ésotérisme et la subtilité.
    Les nationalistes français ont hérité de leurs maîtres et de leurs aînés un goût singulier de la gratuité. Il semble que leur éternelle vocation soit de prodiguer des conseils aux sourds ou aux coquins qui peuvent le moins les entendre. Nous devrions pourtant être las d’exiger que l’on fasse rendre gorge à des voleurs dont le ventre va toujours s’arrondissant, d’imaginer des supplices chinois pour nos ennemis, de dresser les listes de criminels et de traîtres à abattre et qui portent sur leurs épaules un chef plus arrogant que jamais, d’adresser nos suppliques à des passe-boules, à des bonzes en carton. Pour moi, j’en suis saturé. Je voudrais toucher un peu d’or au fond du bassinet, voir un peu moins d’encre et un peu de sang sur le couteau de la guillotine.
    Le goupillon des absoutes ne suffit pas à venger nos morts.
    Les nationalistes sont d’une race curieusement suiveuse. Nous avons continuellement besoin devant nous d’un gouvernement pour lui faire supporter des espérances qu’il est par nature incapable de satisfaire, ou notre mauvaise humeur quand nous avons constaté, bien tard, que lui aussi ne valait rien.
    On trouve trop souvent, parmi les nationalistes, un personnage regrettablement français de grincheux, qui trouve que tout va mal du fond de son fauteuil, dans une attitude prud’hommesque.
    On peut en entendre aussi, ce qui est un comble, s’exclamer : « Mais enfin ! que font les Allemands ? » Il faudrait que les Allemands, après nous avoir laissé la liberté politique, nous torchassent, mouchassent, pendissent nos trafiquants, bref se missent sur le dos tous nos soucis, besognes, querelles, nettoyages, comme s’ils étaient eux-mêmes parfaitement oisifs. En vérité, de tels Français sont encore plus défrancisés que les joyeux bombardés de Billancourt.
    Rien de cela n’est sérieux, et c’est souvent coupable. Il est permis d’être critique littéraire sans faire de livres, parce que cette critique se meut dans les idées. Mais la politique n’est point seulement une activité de l’esprit. Le critique politique est tenu de faire triompher son système, puisqu’il le juge meilleur, puisqu’il parle d’administrer, de commander, de négocier, de produire, toutes choses des plus concrètes. C’est bien ainsi que l’entendent ses admirateurs, ses partisans. Il conviendrait que le politique de plume eût un peu le souci de se modeler sur l’image que se font de lui ces braves gens. Sinon, il s’ajoute à l’armée innombrable des marchands d’orviétans. Il dupe et paralyse ceux qui l’écoutent et attendent son signal comme il a été dupé lui-même naguère par les vieillards de son bord, les faux chefs qui n’ont jamais senti se lever le vent favorable à l’action.
    Les hommes de gouvernement ne manquent point en France. Je pourrais en citer plusieurs parmi ceux dont je connais vraiment les mérites, qui seraient de remarquables ministres, dont la jeunesse, l’audace et la probité triompheraient
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