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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres
Autoren: Lucien Rebatet
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hésitants, les « modérés » qui poussent à de nouvelles tueries guerrières, par débilité intellectuelle ou sentimentale. Ce sont les forts, les violents, puisant leur énergie dans leur intelligence, qui veulent la paix, parce que la paix seule peut être vraiment révolutionnaire, tandis que la guerre revancharde ne pourrait être que hideusement conservatrice.
    Si l’unanimité de tous ces hommes avait pu se faire, notre révolution fasciste serait sans doute accomplie. Nous n’en sommes point là. Il s’en faut même de beaucoup.
    Nous avons eu depuis dix-huit mois le spectacle du Paris politique, où se trouve à peu près tout ce qui reste de têtes raisonnables dans notre pays. Ce spectacle a été bien décevant.
    Sitôt rentré, chacun est allé se réinstaller dans ses meubles d’avant-guerre, et a barricadé sa porte jalousement. Si l’on met à part une clique de marxistes avérés, faisant sonner haut et fier leur blumerie, et qui serait mieux à sa place dans un camp de concentration qu’à la tête d’un journal, chacun a dit de son coin, durant ces vingt mois, des choses fort nourries et judicieuses. Mais chacun des voisins feint de ne pas les avoir entendues, et jette au contraire les hauts cris dès que l’autre le contredit sur un détail.
    Nous avons vu se reconstituer rapidement la vieille gauche et la vieille droite. Sur ces positions piétinées de jadis, on a repris la guérilla.
    J’ai noté les affreux ridicules de Vichy. Mais on ne peut pas dire que Paris ait reçu beaucoup d’honneur des blumistes qui crient à l’intolérance dès qu’on agite le sort des Juifs, et des nationaux qui ont entrepris de dénoncer les vétérinaires « notoirement maçons » dans des rubriques dignes d’une feuille de chou cantonale en période d’élections.
    À gauche, il semble bien que l’on soit surtout préoccupé de pourvoir des vieux freins républicains toute autorité éventuelle. Je ne conteste pas que freins, limites, contrôles ne soient indispensables à tout régime, fasciste ou non. Mais que diable ! On s’assure de la portée et de la force d’un pistolet avant d’étudier son cran de sûreté. On devrait pourtant savoir que le fascisme n’est pas une réforme, mais une révolution, qu’il comporte des risques, comme toute révolution, mais que si l’on songe d’abord à l’arrêter au lieu d’employer toutes ses forces à le mettre en marche, cette révolution ne démarrera jamais.
    La gauche a fait la critique la plus pertinente et la plus complète de Vichy. Elle a un peu trop agité des épouvantails monarchiques qui sont assez amusants pour qui connaît bien l’ Action Française. Elle n’en a pas moins défini mieux que personne l’archaïsme de l’hôtel du Parc, humé dans ses parages le relent de sa vieille ennemie, la réaction en képis et en soutanes. Elle a conservé son adresse de manœuvre. Elle sait mieux pressentir l’Europe de demain. Mais elle voudrait transporter dans cette Europe autant de débris qu’il se pourra de sa République, dont elle a, presque tout entière, sucé le lait aux mamelles de la laïcité.
    Les nationaux, eux, sont restés maladroits. Ils étouffaient à Vichy, ou ils en avaient été vomis. Ils ont perdu cependant un temps précieux à lui forger dans Paris le crédit le plus immérité. Ils ont ainsi processionné derrière une fiction de bon gouvernement qui ne valait même pas la fiction Doumergue, à peine la fiction du Daladier munichois. Ils ont accrédité l’étonnante fable d’un excellent « gouvernement du Maréchal » dont les effets ne se pouvaient faire sentir parce qu’il était trahi, le pauvre, par la maffia des agents-voyers radicaux, des postiers bolchevisants et des pions gaullistes. C’est un singulier idéal qu’un gouvernement désarmé à ce point devant ses derniers subalternes !
    Des bataillons d’honnêtes citoyens se sont évertués à faire « respecter les consignes de la Révolution Nationale », quand ladite Révolution s’empressait de jeter elle-même ces consignes au panier, et voyait du plus mauvais œil les fâcheux qui allaient les y reprendre. Dans le meilleur style « Camelot du Roi » – je ne médis point de ces chers garçons, qui ont compté sans doute dans leurs rangs les meilleurs fascistes français, mais des objectifs qu’on assigna à leur vaillance –, on est allé dénicher dans les mairies les bustes de Marianne, on a rédigé des
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