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Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions

Titel: Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
Autoren: Frédéric Boyer
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J’aimerais ne jamais avoir lu de livres. J’aimerais que tout soit neuf. Ouvrir
un livre pour la première fois. J’aimerais que les œuvres naissent sous mes yeux
et entre mes mains ici et maintenant. Rapidement.
    Depuis mes études supérieures, ces treize livres que nous appelons les Confessions de saint Augustin sont toujours restés près de moi. À ma portée.
Les traduire, vingt-cinq ans plus tard, a sans doute été à la fois une façon de
m’en séparer et une façon d’y répondre. Or je n’ai jamais pu ni su lire cette
œuvre avec la pieuse ou savante vénération de nos prédécesseurs. Des siècles
de réception ont comme patiné le texte d’une suave honorabilité dont ont toujours témoigné avec soin les traductions françaises.
    Traduire les textes anciens est un exercice nécessaire qui nous fait retourner
à l’origine perdue ou fantasmée de toute culture, de toute langue. Une forme
de délocalisation de la pensée, de la littérature, de nos récits. Ces livres, même
imprimés et traduits dans notre langue maternelle, paraissent souvent parler
une langue morte. Il faut abandonner l’idée d’une lecture juste et définitive
d’un original qui, depuis longtemps, s’est perdu dans les interprétations, traductions et conjectures de sa longue réception. Il n’y a guère que des misreadings (des mélectures) comme disent les Anglais. Chaque nouvelle lecture
d’un texte ancien est une entreprise de justification et/ou de contestation de
notre propre présent.
    Longtemps traduire ce fut vouloir parler avec la voix auguste des morts. Or
ce sont les enfants qui écrivent à frais nouveaux les œuvres du passé. Notre
devoir est de lire aujourd’hui les vieux textes le plus directement, le plus simplement possible comme si ces textes venaient tout juste de nous tomber entre
les mains. Comme si ces très vieux textes avaient été écrits la veille, la nuit
même, par nos propres enfants. Augustin lui-même a écrit joyeusement du
neuf par dilatation, compilation de cette langue unique ( unus sermo ) des
saintes écritures que l’Antiquité avait d’ores et déjà traduites en d’autres
langues, ajoutées à d’autres littératures, et mixées avec de nouvelles façons de
penser et de lire.
    J’ai écrit cette traduction durant cinq années, entre 2003 et 2007. Je pense
que je voulais échapper à quelque chose. Échapper à quoi, je ne le sais toujours
pas. Sans doute pour ne pas savoir ainsi à quoi j’échappais. Pour ne pas avoir
à savoir un jour ou l’autre à quoi j’échappais de moi-même.
    Être ballotté, enivré, excité, épuisé, vidé. (Je le suis si souvent.) Être de ne
pas être. Échapper à soi. Fuir.
    Depuis longtemps, je me dis chrétien catholique. Je n’ai connu pourtant
aucun appel, aucune invitation. Je n’ai pas vraiment hérité non plus d’une
mère ou d’un père d’une foi transmise avec passion et constance. Et je ne me
suis livré à aucune confession et n’ai aucune conversion à raconter. Il ne m’est
plus possible aujourd’hui de savoir si cette identité croyante qui, je dois le
reconnaître enfin, m’est tombée dessus et s’est attachée à moi malgré tout est
un châtiment ou une forme de récompense.
    J’ai aujourd’hui cessé de m’interroger sur cette foi passive. Comme j’ai
abandonné l’idée de devenir fidèle à ce Dieu, à son assemblée. Je pense que si
Dieu doit m’appeler, il le fera quand je serai devenu trop vieux pour partir,
peut-être déjà mort. Je n’aurai même plus la force de bluffer ni celle de tricher,
de me relever de mon lit de mort ou de fatigue pour courir le monde, comme
Abraham, en direction d’une terre qui s’éloigne indéfiniment comme le mélancolique horizon.
    Ou aurais-je été appelé sans le savoir. Appelé d’un appel indiscernable ou
d’un appel inqualifiable qui m’aurait laissé aveugle et sourd mais appelé.
    Paris, 2007

C’est probablement à mon âge aujourd’hui (quarante-six ans)
qu’Augustin a écrit ce qu’il appellera lui-même : « les treize livres de
mes aveux » – confessionum mearum libri tredecim . Et que la tradition
     a retenus et traduits par les Confessions . Augustin entreprit la rédaction de ces livres probablement autour de l’année 397. Mais on ne sait
pas exactement. Il a dû s’y atteler une fois nommé évêque de Hippo
     Regius , Hippone la Royale, port méditerranéen situé à trois kilomètres de l’actuelle Annaba, entre deux
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