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Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions

Titel: Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
Autoren: Frédéric Boyer
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collines dont l’une porte
aujourd’hui le nom d’Augustin. Cette ville côtière de l’est de l’Algérie
fut un des plus grands centres de l ’Africa Nova , la province numide
     soumise aux Romains.
    Ces jours-ci, j’ai ouvert un exemplaire du journal local d’Annaba. En
première page, on évoque le sort d’Akram, Naceredine, Amar Boumaïza, Soufiane, Abdelghani et Cherif, six jeunes gens qui, le 21 mars
2007, ont pris place à bord d’une embarcation légère pour une
périlleuse traversée à destination des côtes italiennes. Six jeunes harragas , comme on appelle en arabe aujourd’hui ceux qui ont choisi
d’immigrer clandestinement, et de prendre la mer pour fuir la misère et
changer de vie.
    Faute de carburant, le moteur de leur embarcation s’est arrêté dans
les eaux d’une Méditerranée en furie. Ils ont dérivé douze jours sans
boire ni manger.
    Jamais ils n’atteindront de port européen.
    Cette traversée de la Méditerranée, longtemps avant eux, le jeune
Augustin l’avait faite, contre l’avis de sa mère, pour changer de vie et
réussir à Rome et Milan où il enseignera la rhétorique et la littérature à
de jeunes gens qu’il décrit dévorés d’ambition comme lui.
    1600 ans plus tard, il est devenu paradoxalement très difficile pour
de jeunes Nord-Africains de rejoindre le cœur de notre nouvel Empire.
    Augustin a vu grand. Très grand. Il a beaucoup plus écrit que bien
des auteurs de l’Antiquité.
    Magnus (grand, immense) est le premier mot des treize livres de ses
aveux. Les tout derniers mots promettent un agrandissement, une
ouverture, un passage. Une immensité vivante à lire dans les traces laissées par les morts – celles des Écritures saintes. Le dernier livre célèbre
le jour le plus long, « le septième jour (de la Création) qui n’a pas de
soir et ne se couche jamais ».
    Augustin raconte qu’il a cherché la vérité et qu’il ne l’a trouvée qu’à
partir du moment où il a compris que la vérité elle-même le cherchait.
Grande leçon bizarre. Renversement de toute la perspective classique
du monde ancien. La vie négative devient un argument. Je vis de ne pas
vivre. Je cherche quelque chose de ne rien vouloir trouver.
    La vérité dont parle Augustin ne se cherche pas comme on cherche
à savoir ou apprendre quelque chose, ou comme on cherche à posséder
quelque chose, ou encore comme on cherche à se hisser quelque part.
Les vérités qui se cherchent, les connaissances et les savoirs, ont pourtant obsédé le jeune Augustin. Philosophie, rhétorique, astrologie, religions, sciences… Elles ne sont au mieux, dira-t-il, que des connaissances utiles au service de la vérité unique, au pire des illusions, des
fantasmes, des mensonges mortels.
    Au cœur de cette histoire, il y aura aussi l’abandon révolutionnaire
d’une conception ésotérique de la vérité pour laquelle seuls les initiés
comprennent le sens profond des événements qu’ils vivent. Conception
qui faisait fureur dans la pensée religieuse et philosophique (chrétienne
comprise) de l’Antiquité tardive. Longtemps Augustin a été fasciné et
tenté par une telle conception de la vérité.
    Augustin raconte qu’il entend un jour dans un jardin de Milan une
voix fantôme qui n’a pas de sexe discernable, comme une voix enfantine qui prononce une comptine. La petite voix inconnue chante et
répète :
    Tolle, lege. Tolle, lege.
    Attrape, lis. Attrape, lis.
    C’est aussi un jeu antique : l’habitude de tirer des présages des pages
d’un livre ouvert au hasard.
    La vérité est dans un livre que l’on ramasse et que l’on ouvre. Et cette
vérité-là ouvrira le monde occidental à lui-même. Cette vérité nous fera
changer de monde.
    La première et la plus étonnante des choses à dire sur Augustin, c’est
précisément qu’il ait tenu à écrire ces treize livres d’aveux sur sa vie, son
enfance, sa jeunesse et sa conversion. Tout s’est-il vraiment passé
comme il le raconte ? cette rupture lumineuse dans sa vie a-t-elle bien
eu lieu ?
    Augustin raconte dans ces livres qu’il a trouvé un sens nouveau à sa
vie. Il explique comment il a changé, bifurqué, et comment il est
devenu chrétien. Il tient à raconter que le plus urgent, pour une vie,
c’est de changer.
    Si la définition du créateur par Gertrude Stein, bien des siècles plus
tard, est vraie : « Un créateur vit bien avant les autres dans le temps
présent », elle s’applique
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