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Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions

Titel: Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
Autoren: Frédéric Boyer
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parfaitement à Augustin. Ce qu’on appelle
l’Occident a longtemps vécu dans le présent qu’avait habité avant lui
Augustin.
    Cette époque (IVe et Ve siècles) est une période où tout craque, où
tout se détruit et se recrée. Siècle effervescent, affairé, trivial et sombre.
Augustin est de cette époque. Il a les qualités étranges d’un monde
comme on n’en a jamais revu, et des choses détruites ou bousculées
comme elles ne l’avaient jamais été.
    Le changement est la grande affaire de ce temps-là. L’Antiquité
approche de sa fin. Rien n’a l’air de changer mais pourtant tout change.On a souvent dit qu’Augustin avait, sans jamais le savoir lui-même,
jeté un pont entre le monde qui mourait devant lui et le monde naissant qui deviendrait notre monde.
    Alors oui. Augustin a été pour lui-même et pour nous tous un pont.
    Un créateur tourne la page. Augustin a tourné la page du jeune
christianisme (celui que nous appellerons après lui ancien ).
    Il a aussi porté le deuil d’une morte. Sa mère. Le récit de la mort
de Monica, sa mère, forme, précisément au milieu de ses aveux,
comme un pli brûlant qui décide de sa conversion effective, de son
retour non seulement vers Dieu mais vers son Afrique natale.
    Augustin a donc écrit ses Aveux après qu’il fut devenu évêque en
Afrique, après son retour en Afrique du Nord en 387. C’est une
œuvre du retour comme du retournement . C’est l’histoire d’un
retour, d’un retournement mais dont l’issue est un monde neuf
encore largement inconnu. Une sorte de voyage à rebours que rend
possible l’écriture elle-même. Un « à rebours » qui est conversion, au
sens strict. Augustin s’adressera à Dieu pour dire : mon voyage c’est
retourner à toi, en toi, vers toi. Il ne s’agit pas tant de raconter sa vie
que d’inaugurer sa nouvelle vie dans l’écriture, dans la fiction poétique de récits dont l’acte majeur est de reconfigurer poétiquement
sa propre existence.
    Monica était chrétienne. Augustin raconte qu’il l’est devenu à son
tour.
    Augustin raconte qu’il est devenu chrétien selon le souhait de cette
mère envahissante (elle le suit partout, « sur terre et mer », comme il
l’écrit ! ). Mais en lisant Augustin, on comprend qu’un créateur trahit sa
mère en croyant de toutes ses forces qu’il suit le chemin tracé par sa
mère.
    Après Augustin, le christianisme ne sera d’ailleurs jamais plus
comme avant, comme du temps de sa mère. Le christianisme sera alors
celui des Pères. On consacrera les Pères de l’Église.
    Augustin a vécu ce présent que nous mettrons longtemps à vivre
après lui.
    Mais pour saisir précisément la transformation opérée par Augustin,
il faut reconnaître que le christianisme n’était pas seulement une nouvelle religion, avec une conception inédite de la divinité et du salut, mais
qu’il enseignait également aux citoyens, à chacun, une attitude radicalement nouvelle. La religion, affirmera Augustin, relève d’une autre
dimension que la sphère politique et sociale, elle s’intéresse davantage à
l’individu et à la communauté des croyants qu’à la société elle-même.
L’expression individuelle du sujet passe par sa confession , l’aveu de sa foi
qui passe par un récit de rupture offert aux autres et à Dieu.
    L’idée d’écrire sa vie est d’abord un acte sacrificiel, un acte spirituel.
    Augustin vit la fin du pluralisme antique, un monde qui voyait dans
la variété des « sectes » (le mot secta désigna longtemps chez les
Latins, sans connotation péjorative ou défavorable, une ligne de
conduite intellectuelle et morale) un signe de santé intellectuelle et
une condition de l’épanouissement individuel. Les dix premiers livres
de ses Aveux décrivent le renversement total de cette perspective.
Après lui, la pensée religieuse stigmatisera les sectes et les hérésies.
    Sa quête du changement de soi et de son existence a marqué de
façon indélébile tout l’Occident médiéval et notre modernité.
    Certaines personnes ont gardé dans leur cœur les paroles écrites
d’Augustin. Je pense à la façon dont Pétrarque en 1353 racontera
dans un petit texte bouleversant son ascension du mont Ventoux
( Familiarum rerum libri IV, 1) et comment il gardait toujours sur lui
cette « source de douceur infinie » : les treize livres anciens des aveux
d’Augustin. Ailleurs, il dira aussi qu’il fait ses propres aveux en
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