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Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions

Titel: Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
Autoren: Frédéric Boyer
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mixages.
    Le mot confession nous est devenu si familier que l’on a peine à
retrouver le sens exact de son usage. Tout le monde s’est plu, avec raison, à rappeler qu’Augustin n’invente rien et que l’auditoire chrétien de
cette époque est déjà largement habitué aux confidences biographiques
des martyrs et des saints ou de pieuses personnes. Veine suffisamment
populaire déjà chez les auteurs païens eux-mêmes. On écrivait de petits
poèmes en souvenir d’une grâce ou d’une action ( virtus ). Les écrits
pénitentiels, sorte d’ex-voto littéraires, servaient à remercier la divinité.
Les premiers temps obscurs des jeunes communautés chrétiennes ont
connu, dans l’Empire, la persécution qui s’est maintenue tout au long
du IIIe siècle. La confessio fidei (l’aveu de sa foi) conduisait à la mort et
scellait le martyr, le témoignage de sa foi. C’est le souvenir, le mémorial
des martyrs qui inscrit dans la chair chrétienne la résonance de l’aveu.
La foi est aveu. La mort est un testament. Et seulement alors l’aveudevient paradoxalement louange à Dieu, action de grâce. Avouer sa
condition de criminel, se reconnaître faute, péché, c’est littéralement
témoigner de la puissance réconciliatrice de Dieu. La confession, au
sens chrétien, est un acte performatif de la réconciliation divine. Confiteri , en latin, traduit le grec biblique : exhomologesthai . Les premiers
traducteurs latins de la Bible des Septante (traduction en grec des écritures juives, au milieu du IIIe siècle avant J.-C. par la communauté juive
d’Alexandrie) ont régulièrement traduit, notamment dans les psaumes,
le grec exomologèse par confessio . Le mot grec signifie littéralement
exprimer, dire publiquement (sortir de soi) sa faute. Reconnaître ses
erreurs devant témoins, les proclamer. Il correspondra dans la liturgie
chrétienne à l’expression de la pénitence et à la confession des péchés
pour obtenir la réconciliation et le pardon de l’Église. Cette exomologèse chrétienne, forgée donc sur la traduction grecque des psaumes, est
un acte d’extériorisation verbale de soi, un aveu identifié alors à un
sacrifice d’action de grâces pour une faute révélée et pardonnée. Cette
tradition chrétienne, attestée dès les premiers Pères de l’Église, est elle-même un emprunt au monde grec ancien. La confession chrétienne ne
sert pas seulement à avouer ses fautes mais également à faire entendre
la louange à Dieu. Sa célébration.
    L’œuvre d’Augustin est originale et novatrice parce qu’elle fait de ce
modèle ancien de confession, d’aveu de soi, un projet littéraire. L’enjeu
n’est pas de rendre compte de soi d’une manière la plus fidèle possible
aux événements. C’est avant tout endosser sa condition de pécheur,
endosser la condition de l’humanité, « cette insolente pourriture »,
écrit-il dans ses Aveux . Augustin inscrit alors dans la littérature l’exigence de formulation d’une vérité sur soi. Il fait de cette exigence un
modèle de fiction vraie, et consacre l’émergence d’une forme littéraire
d’enquête morale, ou de questionnement moral sur soi et sa propre
existence. Il s’engouffre dans la question : qui suis-je ? (et qui n’était
pas, à proprement parler, une question grecque).
    C’est pourquoi la confessio doit aujourd’hui davantage être comprise
comme une invention de soi-même à travers les figures littéraires et religieuses de l’aveu.
    Le sens classique du mot latin confessio c’est bien l’aveu, il désigne
l’action de reconnaître quelque chose. Le verbe confiteor signifie dans la
langue classique : faire reconnaître, avouer, manifester, révéler. Les deux
mots reviennent plus d’une centaine de fois dans les treize livres d’Augustin. Ils ont acquis très tôt dans les liturgies chrétiennes le sens d’une
prière pénitentielle. Le confessor n’est pas celui qui recueille la confession, à l’origine, mais celui qui avoue, qui reconnaît sa foi chrétienne.
    Chez Augustin, il faut l’entendre comme le projet de remettre en
question un régime de vérité. De changer de régime de vérité. Il écrit sa
vie comme une révolution, une rupture. Il ne s’agit pas de rétablir simplement un équilibre perdu. L’aveu est un formidable opérateur
d’humanité.
    Par l’aveu, je décide de moi.
    Tout cela n’a rien à voir avec les secrets du confessionnal, « les
sinistres boîtes à
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