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Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions

Titel: Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
Autoren: Frédéric Boyer
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même le plus émouvant soit le plus vraisemblable.
Qu’importe d’ailleurs ? Mais il faut entendre le quasi-silence presque
mortel planant sur ces livres concernant Patricius, le père, silence qui
jette une ombre immense sur le portrait amoureux, exacerbé, hagiographique de la mère, Monica. Ou encore l’insistance sur la conduite
exemplaire de certains amis qui vient interrompre brutalement l’aveu
déchirant d’amitiés passionnées, érotisées. Les dix premiers livres sont
écrits sous tension. Cette célèbre distentio augustinienne qui est tension, convulsion, dispersion. L’accent lourd est mis sur la puberté, sur
l’impossible frein aux désirs, sur la sexualité et l’ambition. Sur le fond
de cet enfer personnel, de ce feu terrestre, se fait entendre le besoin
d’écrire une étrange quête de sagesse et de savoir, elle-même promise à
l’insatisfaction. Une avidité chasse l’autre. Ou l’une se repaît de l’autre.
C’est l’ombilic de cette œuvre. Il n’est ni le premier à faire ses aveux, à
vouloir rendre compte de lui, ni le premier à se raconter. Sans doute est-il le seul à avoir produit cette œuvre hybride, violente, émouvante,
rusée, polémique.
    Les Aveux sont le livre occidental de l’addiction.
    Avouer ses addictions. Avouer le néant, le rien, le creux ou le vide de
son être. Le sujet de ces treize livres est accroc à la vanité, à l’éphémère
– gloire ou jouissance. L’aveu est alors une machination qui libère une
addiction plus forte encore, une super addiction, autre que le sexe,
l’alcool, les honneurs, l’argent… Et nous découvrons une œuvre qui
tente de lire les affects du soi dans un affect plus grand encore : l’affectet l’affection de Dieu. L’addiction à l’immensité de Dieu ouverte dans
« les prairies immenses de la mémoire ».
    Bloc de joie. Super ciel ( caelum caeli ) tendu comme une peau.
    « Chaque goutte du temps vaut si cher pour moi ! » avoue Augustin.
Toujours en retard. Et cette beauté supérieure, « trop tard je l’ai
aimée », dit-il. Beauté dont l’aujourd’hui est un unique aujourd’hui, à
la différence radicale de nos présents évanouis, de nos aujourd’hui fantômes.
    Il n’y a de confessio que de cette fuite et du retard qui ne se rattrape
pas, a remarqué Jean-François Lyotard à la fin de sa propre existence.
Nous nous sauvons littéralement sur la voie du salut. Avec cette incapacité, cette infirmitas , écrira Augustin, à échapper à la pathologie de
l’existence individuelle, temporelle, désirante, insatisfaite et mortelle.
Notre condition (notre mortalité, fardeau que nous traînons partout
avec nous comme on traîne derrière soi la preuve de ses crimes) fait de
nous des fuyards infirmes. Et où irons-nous ? Vie mortelle ou mort
vivante ? se demande Augustin.
    Jusqu’au bout de son entreprise, dans le livre XIII, il s’étonnera
encore de « cette mer saumâtre, le genre humain, abîme de curiosité,
tempête d’orgueil, fluide instable ».
    Il a aimé aimer et être aimé, avoue-t-il. Mais sa folle entreprise
témoigne qu’il s’est aimé ne pas s’aimer.
    Cette œuvre est sans équivalent dans la littérature latine, et pas seulement. Elle fait exploser les cadres anciens à l’intérieur desquels nous
avons l’habitude de nous réfugier et de penser notre vie. Plus tard,
Dante écrira sa Divine Comédie qui n’est pas sans échos avec l’odyssée
de ce moi désirant qui veut se détacher de lui autant qu’il se peut et
dont la lourdeur freine la progression vers plus d’amour, plus de bonté.
    Ce texte insolite à bien des égards est souvent intolérant, exclusif et
violent. Depuis la nuit utérine jusqu’à l’autre naissance dans l’immersion baptismale, depuis l’obscurité des erreurs et des errances, la mort
de l’esprit, jusqu’à l’interrogation des commencements de la créationsur laquelle plane le Souffle divin. Augustin construit le récit de la
quête hallucinée d’une impossible vérité dans tous les traquenards,
toutes les souffrances, toutes les séductions mortelles de l’âme et du
corps. En même temps, il ne s’agit bien souvent que d’étranges aveux
de quelques méfaits enfantins (larcins de table, vol de fruits, mensonges puérils…) mais qui accouchent de terrifiantes interrogations ;
ou de quelques émois adolescents bien naturels mais qui provoquent
une stupéfiante aversion de soi ; ou encore de récits édifiants à
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