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Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions

Titel: Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
Autoren: Frédéric Boyer
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pénitence » (André Mandouze). Ce texte n’est pas un
simple texte autobiographique mais il fonde, il institue d’une certaine
façon, une pratique d’écriture sur soi qui est transformatrice.
    Autant que possible, j’ai évité l’usage des mots français confession et
confesser auxquels j’ai préféré aveu, avouer ou confier à, se confier.
L’idée est moins de déconfessionnaliser l’œuvre d’Augustin que de faire
violence aux traditions de sa réception. D’extraire l’œuvre de son « langage reçu ». L’expression « avouer Dieu » prend alors une force inédite,
à mon sens susceptible de faire écho aujourd’hui à l’étonnante nouveauté de l’écriture de cette œuvre. L’aveu est utilisé ici comme instrument de louange en même temps qu’opérateur de justification et
d’abaissement. J’ai voulu, en traduisant confessio par aveu, faire
entendre en français la force paradoxale, l’oxymore chrétien de la
confession. Le succès français du mot confession, notamment dans la
langue religieuse, aura contribué à affadir et à affaiblir la vigueur de
l’emploi du latin confiteor et confessio . Le christianisme naît et s’affirme
comme parole et récit avoués personnellement et communautairement.
Cette structure confessante de la nouvelle foi est son trait d’originalité
radicale avec le monde dans lequel elle apparaît. L’œuvre d’Augustin
rappelle qu’il ne saurait y avoir de conversion sans l’aveu personnel desa propre vie qui prend la double forme inédite d’une narration et
d’une prière.
    Quelle réponse pouvons-nous faire à la question que pose Augustin
au livre quatre de ses Aveux  : « Qu’est-ce qu’un homme, n’importe quel
homme, si c’est bien un homme ? » À quelle dépendance, à quelle
obéissance doit répondre l’homme pour l’apprendre ou le découvrir ?
se demandera Michel Foucault dans ses derniers cours au Collège de
France en 1980, en commentant précisément ces pratiques pénitentielles, cette exomologèse dans le monde antique (mais curieusement
sans évoquer précisément le cas d’Augustin…).
    Pour Augustin, avouer sa vie c’est arrêter de fuir. Fuir de ne jamais
trouver sa destination, de ne jamais atteindre son port. C’est s’inscrire
alors dans un horizon d’obéissance et de gratitude.
    Curieusement, l’aveu c’est d’abord de nous reconnaître humain.
L’aveu est humain. Preuve et opérateur d’humanité. Et être humain
c’est manquer de Dieu ; manquer de Dieu c’est manquer de soi. La confessio est paradoxalement l’aveu du soi manquant à lui-même.
Reconnaître que l’on s’est fait « la terre du manque », écrit Augustin.
L’idée absolument radicale et contemporaine finalement est qu’être
humain, être homme, c’est être appelé à ne plus être humain, à ne plus
être homme. Appel qui bouleverse et renverse l’exomologèse hellénistique sur laquelle nous avons trop eu tendance (Foucault compris) à
rabattre la spiritualité occidentale à partir d’Augustin, en la définissant
comme une recherche de transformations sur soi pour accéder à la
vérité.
    La démarche originale d’Augustin est davantage de faire entendre la
transformation même qu’opère la vérité sur nous.
    Je crois que le christianisme naît au cœur même de l’expérience spirituelle de l’exil et de l’attente du judaïsme ancien, au cœur d’un messianisme blessé et divisé, dans un monde lui-même divisé et mêlé,
occupé (par Rome et son Empire), hétérogène, et pose l’abîme de soi
comme plainte et mouvement vers Dieu. Il s’agit moins de transformations de soi pour atteindre la vérité que d’un aveu identifiant le soi aumanque, au rien, jusque dans le mouvement de comparaison, de métaphore de l’amour, seul capable d’ouvrir un espace communautaire
familier et aimant.
    Une quinzaine d’années avant sa mort, à partir de 413, Augustin
rédige son Tractatus in iohannis evangelium , ses exposés sur l’évangile
de Jean. Il y explique paradoxalement que la liberté du sujet humain est
de se reconnaître tel pour ne plus l’être. L’aveu de notre bassesse, de
notre obscurité, révèle notre désir « d’accepter ce que nous ne sommes
pas ». Visée de l’homme croyant.
    « À cela Dieu nous appelle : ne plus être des humains. Mais alors
nous ne serons plus des humains pour devenir meilleurs à la condition
de reconnaître d’abord que nous sommes des humains. Donc
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