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Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions

Titel: Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
Autoren: Frédéric Boyer
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catholicisme sera mise en doute.
On sait qu’il deviendra alors un redoutable polémiste et théologien,
nourri de son admiration de jeunesse pour les grands orateurs latins.
    En 1967, il y a plus de quarante ans, le célèbre historien spécialiste
d’Augustin, Peter Brown, écrivait que « notre jugement sur les Confessions a souffert du fait qu’elles sont devenues un classique. Nous
oublions qu’un homme de l’Antiquité tardive ouvrant pour la première
fois son exemplaire des Confessions ne pouvait manquer d’éprouver un
véritable choc : les formes traditionnelles d’expression littéraire considérées jusqu’ici comme allant de soi ne s’y retrouvaient en effet que
transformées au point de devenir méconnaissables ».
    Il faut sans doute accepter de se détacher de la réception écrasante,
monumentale, de l’œuvre dans notre histoire littéraire et religieuse. J’ai
ainsi voulu confesser un peu différemment le texte d’Augustin. Prendre
du recul avec les pratiques, même modernes, de lecture de ce texte. J’ai
voulu faire entendre au moins deux choses : la nouvelle construction
poétique de soi qui deviendra révolutionnaire dans ce monde en mutation, et l’étonnante mixité littéraire de cette œuvre.
    Le choc des Confessionum est ce mixage des voix, des temps, de
l’écriture. Mais c’est aussi le choc du discours direct, sa brutalité, saisi
dans un tissu lourd d’emprunts, de collages, de citations, de prières et
de détournements rhétoriques. On dira même que son écriture ici tient
d’un « pastiche des psaumes » (Pierre Hadot).
    Ces treize livres sont l’œuvre d’un rhéteur formé aux écoles classiques de l’Antiquité, l’œuvre d’un jeune marchand de mots, comme il
se décrit lui-même en jeune professeur de rhétorique, brillant mercenaire de l’éloquence et qui dresse ses étudiants à la guerre des mots.
Œuvre d’un spectateur passionné et impressionnable au théâtre et aux
jeux du cirque, d’un homme longtemps fasciné par les délires sectaires,
les fables, les supercheries (selon ses propres termes) du grand bazar
des sagesses qu’était devenu ce vieux monde romain déjà divisé, déjà
perdu. Finissant mais accoucheur.
    L’Antiquité tardive était aussi un monde dominé par les fables et les
fictions. Les frontières étaient flottantes entre l’imagination créatrice et
les mensonges délibérés. Ce monde romain avait depuis longtemps le
goût des monstres et des romans, le goût de l’extraordinaire et du
merveilleux. Mais ce monde menacé, vacillant, crépusculaire, est aussi
à la fois énergique et créateur. Les traditions pullulent et vieillissent.
S’entassent. S’hybrident. S’entrechoquent. Les langues s’apprennent et
se traduisent. Augustin est inséparable de ce monde, de ses artifices, de
ses déchirures, de ses fulgurances dont il nourrira son intense activité
d’écriture.
    Lecteur avide de Cicéron, de Virgile, lecteur passionné de la littérature de son époque, et de quelques ouvrages grecs traduits en latin,
c’est aussi un lecteur tardif des livres bibliques, de leurs diverses etinégales traductions latines à partir du grec de la Septante (Augustin n’a
donc jamais eu entre les mains la Bible telle que nous la connaissons, il
ne lisait pas l’hébreu et plutôt difficilement le grec), littérature qu’il a
ridiculisée pendant des années. Il couture littéralement son propre
texte de citations entières avec lesquelles il se fait parler et penser. Avec
lesquelles il interpelle, justifie, supplie, rend grâces. Le narrateur parle
les psaumes. Cette sorte de pieuse et littéraire ventriloquie lui est
propre. Au-delà de son activité inlassable de prédicateur, il écrit ses
aveux dans cette langue nouvelle, bricolée dans les emplois liturgiques,
les commentaires patristiques et les traductions diverses. On ne dira pas
assez combien il invente sa langue, transgresse les genres anciens, rhétorique, philosophique ou exégétique, récupère discours, prières, invocations et hymnes pour rédiger une narration complexe et ouverte.
Langue en pleine formation, et dont l’aventure sera aussi celle de la formation du Livre biblique occidental à laquelle Jérôme, son contemporain avec lequel il entretiendra une correspondance nourrie, contribuera puissamment par sa propre traduction latine des Écritures.
    Les treize livres des aveux d’Augustin sont le miroir étonnant de ce
monde de transferts et de
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