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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise
Autoren: Michel Zévaco
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là, sur la chaise de pierre où l’on attache les
traîtres ?
    – Oui, Candiano, répondit le doge déchu d’une voix calme et
orgueilleuse… c’est moi ! moi… sur la chaise du pont des
Soupirs où je vous ai fait attacher…
    – Mon père ! mon père ! cria Roland, prononcez la
condamnation…
    – Vaincu, je l’attends d’une âme invincible ! dit
Foscari.
    – Parlez, parlez, mon père !
    – Oui, mon fils ! » dit le vieux Candiano.
    Ses mains s’imposèrent fortement sur la tête du doge vaincu et,
d’une voix auguste, le front radieux de sérénité, tandis que les
souffles impurs des prisons qui balayaient le pont des Soupirs
agitaient sa barbe blanche et ses longs cheveux d’argent, il
prononça :
    « Foscari, je vous pardonne… Allez, mon fils, et, si vous
le pouvez, vivez en paix avec votre conscience ! »
    Alors, on dit que Foscari baissa la tête et pleura.
    Cet homme de fer s’avouait vaincu !…
    Et tandis qu’on le détachait, tandis qu’il s’en allait
lentement, le dos courbé, le front pensif, comme s’il eût interrogé
cette conscience que la parole du vieillard avait évoquée, Roland
se laissait tomber à genoux, collait ses lèvres aux mains
tremblantes de son père, et balbutiait :
    « Ô mon père, vous êtes grand parmi les grands… Car vous
m’apprenez en ce jour que la plus terrible des vengeances, la plus
sûre et la plus accablante, réside en la magnanimité du
Pardon… »

ÉPILOGUE: LES AMANTS DE VENISE
    Léonore était demeurée à genoux dans la salle à manger de
l’antique maison Dandolo, en île d’Olivolo.
    Lorsque le vieux Candiano fut parti avec Scalabrino, elle eut la
sensation que tout était fini pour elle.
    De suprêmes et mortelles pensées s’agitèrent confusément au fond
de son âme, dans l’adieu qu’elle disait à toutes choses : la
vie, le ciel bleu, les rêves de sa jeunesse, la vieille maison où
elle avait aimé… adieu, tout cela !
    Adieu le sourire enchanteur de son amour !
    Adieu, Roland !
    Et ce nom résumait, formulait la synthèse de ses dernières
pensées.
    Elle voulait mourir avec ce nom sur les lèvres.
    Elle le prononçait avec cette ferveur et ce désespoir qui lui
révélaient à elle-même la profondeur de son amour.
    Peut-être fut-ce le moment de sa vie où elle eut pleine
conscience de ce qu’il y avait de pur, de définitif, de sublime
dans son cœur.
    Toute son existence, toute sa pensée, tout le sentiment de son
cœur, tout en elle prenait sa source dans son amour. Elle aimait
comme on respire. Elle n’était que par Roland. Séparée de lui, sa
vie devenait une anomalie.
    Quelle heure effroyable et touchante elle passa alors à parler à
Roland du fond de son âme, à lui dire ce qu’elle avait souffert, et
quelle était sa désespérance, et qu’elle ne l’avait pas trahi, et
qu’elle était toute fidélité, tout amour !…
    Elle se releva enfin.
    Vit-elle Gianetto et le vieux Philippe qui la
surveillaient ?
    Il est probable qu’elle ne vit que son rêve suprême.
    « Roland, murmura-t-elle, je t’aimais… je t’aime… adieu,
Roland… »
    Elle porta la main à son corsage et en tira le flacon qu’elle y
avait caché.
    Ses yeux que troublait déjà l’horreur instinctive de la mort se
fixèrent par la fenêtre grande ouverte dans l’espace gazé de brumes
légères.
    Une dernière fois, elle murmura :
    « Roland !…
    – Léonore !… cria de loin, du fond du jardin, une voix
délirante, une voix qui la fit palpiter, tressaillir des pieds à la
tête comme d’une violente secousse.
    – Roland ! répéta-t-elle éperdue de mille angoisses,
transportée soudain dans le domaine de l’irréalisable.
    – Léonore ! » gémit Roland en apparaissant au
seuil de la porte.
    Pendant une minute longue comme un siècle, ils demeurèrent ainsi
en présence l’un de l’autre.
    Aucune explication ne fut nécessaire entre eux.
    Léonore comprit que Roland connaissait sa constance
immuable.
    Roland comprit qu’il était aimé comme il aimait…
    Ce fut pour eux un des ces terribles instants où il semble que
le cœur s’arrête, que l’âme entre dans le néant, que les forces de
l’être seront impuissantes à supporter l’effroyable fardeau de la
joie poussée au-delà des limites humaines.
    Leurs bras se tendirent.
    De leurs yeux, des larmes s’échappèrent, amères, brûlantes…
    Et ce fut ainsi, les bras tendus l’un vers l’autre, vaillants,
enivrés,
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