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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise
Autoren: Michel Zévaco
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sociale qui n’eût admis que deux catégories
de citoyens : les prisonniers et les geôliers.
    Le lendemain du jour où nous avons vu Bembo évoluer de l’Arétin
à Sandrigo et de Sandrigo à Imperia, vers la nuit tombante, le chef
de la police, Guido Gennaro, achevait de se grimer devant un grand
miroir.
    Ayant achevé de travailler sa tête, il passa dans un cabinet où
étaient accrochés d’innombrables costumes, et choisit un
habillement complet de barcarol aisé dont il se revêtit, soigneux
des détails et attentif au moindre accessoire.
    « Hum ! grommelait-il tout en s’habillant, voici
l’occasion ou jamais. Dandolo était fait pour être grand
inquisiteur comme je suis fait, moi, pour être roi d’Espagne. Et
encore !… Le voici sur les dents. Il me laisse tout le soin de
la surveillance et ne veut même plus écouter mes rapports. Bien
mieux, il disparaît, sous prétexte de soigner le mari de sa fille,
blessé, dit-on… blessé par qui ? comment… Je donnerais bien un
mois de mes appointements pour le savoir… Mais le palais Altieri
est devenu une tombe où nul ne pénètre… Le diable n’y verrait
goutte… Toujours est-il que Dandolo n’est plus grand inquisiteur
que de nom… et encore, d’après ce que j’ai cru comprendre, il ne
tardera pas à résigner. Qui sera grand inquisiteur ?… Oui,
Gennaro, mon ami, qui va s’emparer de ces magnifiques et
redoutables fonctions ? »
    En posant cette question, il se regardait dans le miroir et
arrangeait un pli de son bonnet de marin.
    « Pourquoi ne serait-ce pas moi ? fit-il tout à coup.
Je ne suis point patricien ? La belle affaire ! Je suis
en somme convenablement apparenté ! Je fais bonne figure. Et
puis, tous les grands inquisiteurs ont-ils été des patriciens de
souche ? Et les doges ? Et les évêques ? Bembo est
un rien du tout… Oui, oui, Gennaro, voici l’occasion ou
jamais ! »
    Il s’assit dans un fauteuil, se replaça devant le miroir et
dit :
    « Si l’homme que je vois là dans ce miroir était le doge,
voici ce que je lui dirais : « Monseigneur le doge, vous
êtes dans une triste situation, et l’État court avec vous un grand
péril. Que suis-je, moi ? Simplement le premier sbire de la
république. C’est quelque chose, certes. Un sbire, monseigneur,
c’est une oreille ouverte sur le silence, un œil ouvert sur la
nuit, une main qui tâte le néant, une ombre qui glisse dans
l’ombre. Silence, nuit, néant et ombre lui révèlent leurs secrets.
Il n’y a pas de secrets pour moi, monseigneur. Veuillez m’entendre.
Vous avez culbuté la famille des Candiano. Le vieux doge, vous
l’avez aveuglé, c’est parfait. Le diable sait ce qu’il est devenu.
Malheureusement pour vous et pour l’État, le vieux loup a laissé un
louveteau qui a grandi. Gare au louveteau, monseigneur. Il a
maintenant les crocs fort aigus. La grande erreur de votre règne,
je vais vous la dire : il fallait laisser vivre le vieux
Candiano et aveugler Roland. Le vieux serait mort de douleur, et
Roland serait impuissant. Mais on ne peut tout prévoir. Il eût
fallu prévoir que Roland Candiano percerait des murs épais de dix
pieds et que le pont des Soupirs serait pour lui une simple
promenade comme peut l’être le Rialto pour tel jeune seigneur
courant parader devant sa belle. Passons. Venez avec moi,
monseigneur. Entrons dans ces cabarets : vous y entendrez
exalter la mémoire de Candiano. Parcourons le port, le Lido, les
quais ; partout, c’est la légende de force, de courage et
d’intrépidité. Monseigneur, si vous voulez étouffer la légende de
Roland le Fort, coffrez tout le peuple de Venise. C’est impossible,
dites-vous ? Alors, emparez-vous de Roland !… Ah !
ah ! c’est là que je vous attends !… Peste !
s’emparer de Roland Candiano ? Diable ! Oh !
oh ! voilà le chef-d’œuvre. Roland est à Venise. Il y est
seul. Il brave archers et sbires. Il est où il veut. On croit le
tenir ? Il n’y est plus ! On cerne l’île d’Olivolo ?
Il s’évanouit ! On envahit la maison du port ? Il
s’envole en fumée. Diable d’homme… Eh bien, monseigneur, ce
terrible Roland, qui s’est créé roi de la Montagne et duc de la
Plaine, qui a derrière lui deux mille fanatiques, ce Roland que les
barcarols chantent à voix basse, dont les femmes rêvent, et en qui
espèrent les hommes, ce Roland, qui va vous pulvériser, le voici,
je le tiens, je vous l’apporte, prenez-le !…
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