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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise
Autoren: Michel Zévaco
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ce masque était tombé.
    Maintenant qu’il n’était plus besoin de dissimuler, son âpre
nature d’ambition forcenée apparaissait en relief.
    L’orgueil dominait dans ses traits fortement accentués.
    Son œil d’aigle ne se baissa pas sous le regard de Roland.
    Et il y avait dans l’attitude du doge vaincu, enchaîné, une
grandeur farouche qu’elle n’avait jamais eue tandis qu’il exerçait
à Venise la puissance royale.
    Mais l’attitude de Roland, dans sa simplicité forte et sereine,
dominait encore celle de Foscari.
    Le juge et l’accusé étaient dignes l’un de l’autre.
    « Foscari, dit Roland, les paroles seraient vaines. Je
représente ici un homme que, pour satisfaire votre soif de
despotisme, vous avez brisé en plein bonheur. Je suis ici le fils
de Candiano saisi par vous, aveuglé par vous, jeté par vous, seul,
pauvre, sur une route solitaire, condamné par vous à la misère,
poussé par vous à la folie. Comprenez-moi : Je ne suis pas un
tribunal. Je suis un fils. Qu’avez-vous à dire ?
    – Que vous faites bien de venger votre père, dit
Foscari.
    – Foscari, je vous hais, en effet, comme l’homme qui a fait
le malheur d’un vieillard inoffensif… Ma volonté est de vous faire
souffrir ce que mon père a souffert pour vous…
    « Foscari, regardez-moi bien. C’est mon visage que vous
verrez dans la nuit de vos remords… Foscari, dans quelques
instants, vous ne verrez plus. Car vous allez être aveuglé comme le
fut mon père, jeté sur une route solitaire comme le fut mon père,
livré à la risée et à la mendicité comme le fut mon
père !… »
    Foscari eut un long frisson.
    Une seconde, cette âme s’amollit.
    Mais il retrouva aussitôt son orgueil et leva sur Roland un
regard clair, empli de haine.
    Les yeux de Roland flamboyèrent.
    Il fit un signe.
    Un homme s’approcha…
    « Le bourreau ! murmura Foscari. Adieu, lumière du
jour !… »
    À ce moment, un grand cri retentit à l’entrée du pont, les
hommes qui entouraient Roland s’écartèrent, et un vieillard soutenu
par un colosse, le vieux doge Candiano guidé par Scalabrino,
apparut, les mains tendues, frémissant, et si terrible dans son
émotion, avec des accents si déchirants que tous ces rudes
montagnards tremblèrent et se prirent à pleurer.
    Le bourreau s’était reculé de Foscari.
    « Mon fils ! mon fils ! appelait le vieillard.
Mon fils ! Je t’entends ! Je te retrouve ! Mon
fils ! Mon fils !… »
    L’instant d’après, Roland, à demi fou, ivre d’une joie
surhumaine, tombait dans les bras de son père.
    Leur étreinte fut longue, entrecoupée de mots sans suite…
    Ils oubliaient tout en ce moment. Roland ne se demandait pas
comment son père avait recouvré la raison. Le vieux doge ne
cherchait pas à savoir pourquoi son fils était maître dans le
palais ducal…
    Une main toucha enfin Roland au bras.
    Roland se retourna, comme éveillé d’un rêve.
    Le montagnard qui l’avait touché lui montra Foscari, et lui
dit :
    « Il ne faut pas prolonger son agonie… »
    Roland tressaillit, saisit violemment son père par le bras,
l’amena devant Foscari, et, d’une voix haletante :
    « Mon père, ici est l’homme qui vous a aveuglé !
    – L’homme qui m’a aveuglé ! fit sourdement le vieux
doge.
    – Rappelez-vous, mon père !… Celui qui vous a fait
saisir pendant la nuit maudite…
    – Foscari !…
    – Celui qui vous a fait enchaîner sur cette chaise de
pierre…
    – Foscari !…
    – Celui qui vous a condamné à la nuit éternelle…
    – Foscari !… »
    Foscari, cette fois, baissa la tête et, dans ses liens, eut un
mouvement de recul instinctif.
    Lui qui n’avait pas tremblé sous le regard de Roland, trembla
devant ce regard vide, car cette épouvantable physionomie ravagée,
c’était sa propre physionomie qu’il voyait par avance !
    « Il est là, mon père, continua Roland d’une voix qui
gronda en sourds accents. Il est là ! Dites, mon père !
Parlez vous-même ! Que faut-il faire de cet homme ?
    – Foscari ! répéta l’aveugle en étendant les mains. Où
est-il ! Fais que je le touche, mon fils ! après la joie
de toucher ce que j’aime le plus au monde… toi ! Donne-moi la
joie de toucher ce que je hais par-dessus tout,
Foscari ! »
    Roland saisit les mains de son père et les plaça sur la tête de
l’homme enchaîné.
    « Foscari, reprit le vieux doge, êtes-vous là ? Est-ce
bien vous qui êtes
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