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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise
Autoren: Michel Zévaco
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Candiano ! répondit le
grondement du peuple.
    – Roland Candiano ! » murmura Foscari en
pâlissant.
    L’arquebusade avait tué quatre hommes et en avait blessé sept ou
huit.
    « En avant ! » cria le capitaine des Suisses.
    Et on avança.
    Mais la foule, maintenant, clamait :
    « Candiano ! Candiano !… »
    Et à distances régulières, on se heurtait à des bandes de plus
en plus nombreuses qui lâchaient leur arquebusade et se retiraient
en criant :
    « Liberté ! Liberté !… »
    Aux maisons, les femmes, de toutes les fenêtres,
criaient :
    « Liberté ! Candiano ! »
    Du haut des toits, une foule de projectiles tombait sur le
cortège du doge, pots de fleurs, tuiles, pavés…
    Livide, Foscari s’avançait. À chaque pas, il voyait tomber l’un
des siens. Et la clameur se faisait plus violente, l’enveloppait
d’un formidable tourbillon :
    « Liberté ! Liberté !…
    – Oh ! rugissait le doge, tenir le pouvoir huit jours
encore ! Seigneur, je ne demande que huit jours et je réduirai
en cendres cette ville de rebelles !
    – Liberté ! Liberté !… »
    La clameur menaçante l’affolait. La parole enflammée le
souffletait. Liberté !… Il eût mieux aimé entendre crier sa
mort…
    « Liberté ! Liberté !… »
    L’ardente, l’inextinguible clameur montait comme le souffle des
nations ! Ce n’était plus seulement Venise, c’était l’Italie,
c’était la France, l’Espagne, l’Europe, le monde qui rugissait,
sanglotait son éternelle aspiration…
    « Liberté ! Liberté !…
    – Rebelles ! tonnait le doge.
    – Liberté ! Liberté !… »
    C’était le peuple de Venise qui s’exaltait, s’enivrait de sa
clameur ; c’était le cri des générations antiques, des
milliers de générations qui avaient, pendant des siècles, travaillé
pour le riche, produit pour ceux qui ne faisaient rien, enfanté
dans la douleur le patrimoine humain que se disputent les corbeaux
impurs…
    « Liberté ! Liberté !… »
    C’était l’âme de l’humanité qui faisait explosion, vomissait sa
haine inassouvie des menteurs, des oppresseurs, des rois, des
maîtres qui déguisent l’immonde soif de despotisme sous tous les
noms, sous tous les masques…
    « Liberté ! Liberté !… »
    C’était un tel hurlement, une telle joie, une si effroyable
décharge d’âmes que Foscari, doge, sénateurs, fonctionnaires,
patriciens, dignitaires, prêtres, soldats en frémissaient jusqu’au
fond de leurs entrailles. Et cela les couvrait comme d’une écume,
cela les emportait comme les grandes vagues de l’Océan démonté
emportent les épaves, cela les faisait vaciller comme vacillent les
arbres sous le souffle infiniment pur, infiniment auguste des
tempêtes qui nettoient la terre…
    « Liberté ! Liberté !…
    – Esclaves ! Rebelles ! hurlaient les
sénateurs.
    – Liberté ! Liberté !… »
    Le cortège en désordre, habits déchirés, faces blêmes, regards
en folie, le cortège hérissé, ballotté, poussé, repoussé, déboucha
sur la place Saint-Marc.
    « Enfin !… Au palais !… » rugit le doge, fou
furieux d’épouvante et de haine.
    À l’instant même, une troupe de plus de huit cents hommes
s’avança.
    Candiano était à sa tête.
    Il avait laissé au fourreau son épée de parade.
    Et ce fut, pareil au rugissement de mille lions en rut, ce fut
dans Venise une clameur qui dut ébranler le vieux monde sur ses
antiques assises :
    « Liberté ! Liberté ! Liberté ! »
    Le doge regarda autour de lui et vit la plupart des sénateurs
s’enfuir. À ses côtés, il n’y avait plus guère qu’une cinquantaine
de Suisses ; les membres du clergé avaient disparu depuis
longtemps ; seuls, trois membres du Conseil des Dix tenaient
ferme.
    Cette petite troupe se trouva en quelques instants entourée de
tous côtés par les hommes de Candiano.
    Foscari vit venir Roland comme il eût vu venir la mort.
    Son épée qu’il tenait lui échappa des mains.
    Et ce fut comme le signal de sa déchéance : les Suisses
rendirent leurs armes.
    L’instant d’après, Roland et Foscari étaient face à face.
    Foscari, livide, les yeux exorbités, effrayant d’immobilité,
murmura le mot qu’il avait lu dans la lettre de l’Arétin sur la
mort de Jean de Médicis :
    « Voici le justicier qui vient…
    – Foscari, dit Roland, employant les termes mêmes dont le
doge s’était servi contre lui neuf ans auparavant, Foscari,
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