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Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS

Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS

Titel: Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
Autoren: Boris Thiolay
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court sur les jambes d’un pantalon d’uniforme. Un passepoil, donc. S’il est blanc, c’est l’infanterie. Le vert clair correspond aux chasseurs. Gris clair, aux troupes de propagande. Bleu clair, aux unités du train. Jaune citron, aux transmissions. Jaune d’or, à la cavalerie…
    L’historien Christophe Prime pense que la fine ligne qui orne le pantalon du soldat Erwin Schmitt, ce jour de printemps 1944, est couleur jaune d’or. Il n’est pas formel ; mais il le croit. Seulement, un objet essentiel manque sur les deux photos des couples assis côte à côte. Au moment où quelqu’un – Qui, d’ailleurs ? – appuie sur le déclencheur, le soldat Schmitt a enlevé sa Waffenrock , la vareuse de son uniforme. Il fait beau ce jour-là et il s’est mis à son aise. C’est une journée de détente, sûrement une journée heureuse. Erwin Schmitt a retiré sa veste et nous ne saurons jamais avec certitude à quel type d’unité il appartenait.
    Aurais-je fait part de ces précisions à Erwin si le verdict avait été implacable, un soldat de la Waffen-SS  ? Peu probable. Là, j’étais soulagé. J’ai appelé Erwin, quelques jours plus tard, pour lui faire part de cette découverte. Il s’est alors souvenu que sa mère lui avait raconté, des dizaines d’années après les faits, que, lorsqu’elle prenait le métro avec le soldat Schmitt, les Français ne le regardaient pas avec crainte.
    Au bout du fil, Erwin semblait en forme. Quand il m’a annoncé qu’il avait été opéré avec succès, au début de l’année, de la cataracte à l’œil gauche, je me suis soudain rendu compte que nous ne nous étions plus parlé depuis des mois. Bientôt, il se ferait peut-être opérer de l’œil droit. Il avait de bonnes chances de retrouver une vision quasi normale. Moi qui croyais bouleverser son quotidien en lui parlant d’une ligne jaune d’or sur le pantalon d’un uniforme allemand, je réalisais qu’entre-temps, Erwin avait partiellement retrouvé la vue.
    Que voyons-nous sur les vieilles photos en noir et blanc à bord dentelé ? Quel sens caché y cherchons-nous ? Quel écho, quelles voix, aujourd’hui, parviennent jusqu’à nous ? Lorsque Erwin m’avait tendu les photographies des deux couples, prises un jour du printemps 1944, j’avais été sidéré par un détail. Erwin Schmitt ressemble énormément à Jean Thiolay. Mon père. Il ne s’agit pas seulement d’une ressemblance physique – cheveux blonds à l’implantation haute, nez droit, visage anguleux, la mine grave, le corps mince et souple. Non, il ne s’agit pas seulement de cela. Les deux hommes ont les mêmes expressions. Un regard intense et inquiet, un regard de reproche adressé au photographe, impudique, à nous aussi, à moi qui cherche à percer leur mystère à travers le temps. Ils ont ce même sourire un peu triste de celui qui sait que cette belle journée ne va pas durer.
    J’ai trop peu connu Jean Thiolay, décédé quand j’avais six ans et demi. Il était né à Cherbourg en 1926. À la suite des terribles bombardements anglo-américains sur Nantes, les 16 et 23 septembre 1943, la famille de mon père fut contrainte, comme des milliers d’autres, de quitter la ville dévastée. Elle se réfugia à Châlons-sur-Marne, en Champagne. Selon le récit très parcellaire que m’en fit très tardivement ma mère, le jeune Jean Thiolay eut un jour une altercation avec un soldat allemand, peut-être un officier. Mon futur père marchait sur un trottoir de la ville. Le soldat arrivait face à lui. Le petit Français, 17 ans et demi à l’époque, aurait refusé de descendre du trottoir pour céder le passage. Scandale. Selon les versions de la légende familiale, mon père aurait alors injurié, voire même frappé, le militaire allemand, avant de s’enfuir. Je n’ai aucune assurance sur ce qui s’est réellement passé. Mais c’est, semble-t-il, à cause de cette bravade que mon père a été contraint de rejoindre le maquis. Quel rôle a-t-il joué par la suite ? Épluchait-il les patates pour les durs qui faisaient le coup de feu ? A-t-il participé physiquement à la Libération de Châlons-sur-Marne, reprise par les troupes du général Patton, le 29 août 1944 ? Aucune certitude. Mais, à la suite de son décès, au début des années 1970, ma mère essaya de faire valoir les états de services de son époux dans la Résistance, avec un « R » majuscule. Il avait bien une carte des Forces
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