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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre
Autoren: Hugues De Queyssac
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ne chutasse dans un cul de basse-fosse ou ne me perdisse dans le dédale des souterrains.
    Sur le sol de la pièce qui jouxtait la splendide salle capitulaire abritant les réunions secrètes des chevaliers de l’Ordre du Temple, des châlits, des outres d’eau ou de vin, des jambons, des poissons séchés et de nombreuses autres victuailles étaient méticuleusement rangés sur des étagères. Des bottes de paille fraîche avaient été disposées dans un des coins de la pièce, conformément aux instructions que j’avais données à mon fidèle Michel de Ferregaye. Notre assemblée siégerait à huis clos, et il était convenu d’assurer gîte et couvert, le temps nécessaire à l’audition des témoins.
    J’en fus rassuré incontinent. Toutes mes consignes avaient été respectées à la lettre. Pas un bruit. Aucun rat ni autre rongeur ne grignotait les miches de pain entassées sur plusieurs planches à mi-hauteur. Ou alors, ils étaient très discrets. Je me dirigeai vers l’étroit passage qui communiquait avec la salle capitulaire où se tiendrait tantôt mon tribunal de l’Ombre.

    Alors que je m’apprêtai à en franchir le seuil, le mantel sur l’épaule, je me figeai telle une statue de sel. Ahuri, je réprimai à grand-peine un saut en arrière, comme si un boulet tiré à dix coudées m’avait percuté en pleine poitrine.
     
    Quelle ne fut pas ma stupéfaction ! Le siège que j’avais cru me réserver était occupé par une robe de bure blanche et une cape noire dont la capuche était rabattue sur le front. L’individu avait l’aspect et l’habit d’un moine de l’Ordre des Dominicains ! Et il ressemblait à s’y méprendre à un Inquisiteur général de leurs sinistres tribunaux.
    Il trônait sur un majestueux faudesteuil dont le haut dossier richement sculpté d’anges et de démons dominait d’une demi-toise ceux, plus modestes, de deux assesseurs vêtus de même, qui se tenaient séants à sa dextre et à sa senestre.
    Aux simples tabourets que j’avais fait installer en demi-cercle autour de la table ronde dans la splendide salle souterraine, avaient été substitués de roides sièges individuels à dosserets, plus solennels, plus imposants aussi.
    Sans aucun doute possible, ce prélat entendait présider le tribunal. Avant la date prévue. À ma place ! Mon tribunal de l’Ombre !
    Celui que j’avais mis vingt-deux ans à préparer avec moult difficultés et revers de fortune, parcourant tout l’Occident chrétien au hasard des batailles et des événements, sans onques perdre de vue la mission que je m’étais juré de mener à sa fin pour réunir les preuves d’une nouvelle et terrible conspiration du silence. Pour y juger devant leurs pairs les plus grands criminels que la terre ait connus.
    Abasourdi, je parcourus la salle des yeux. Douze regards de loup se portèrent sur moi. La flamme des chandelles dansait une estampie endiablée dans leurs prunelles, sous les noires cagoules qui masquaient leur gueule.
    Au fond, près de l’autre entrée, un officier me fixait d’un regard indifférent. Des gardes munis d’un écu et d’une guisarme se tenaient devant chacun des cénotaphes, l’épée au fourreau.

 

Face à ce lugubre prélat, un autre moine dominicain à la face aussi joufflue et blafarde qu’une lune rousse, au crâne cerclé d’une couronne de cheveux courts mais filasses sous la tonsure, semblait sourire avec ironie. Un qualificateur, sans doute possible. Mais pas le mien !
    De part et d’autre d’icelui, des gens encagoulés siégeaient sur des bancs, et d’autres, visages découverts, s’étaient tournés vers moi. Le personnel inquisitorial était au grand complet ! Juges et notaire des biens, greffier, mire-physicien, familiers cagoulés, témoins… Une quinzaine d’individus. Sans compter les gardes.
    Alors que je tentai de percer les traits d’aucuns, l’homme qui siégeait sur le plus haut et le plus grotesque trône m’apostropha d’une voix grave :
    « Nous vous attendions, messire Brachet de Born ! Nous vous attendions pour… »
    Pris sans vert, je fis volte-face. Ces yeux, cette voix, ce visage, ce regard brûlant… Par le Sang-Dieu, c’était impossible !
     
    Accommodant progressivement mes yeux à la lumière des candélabres, je scrutai le visage de celui qui venait de m’interpeller. C’était incroyable, absolument incroyable ! Impossible, même dans le pire de mes cauchemars !
    Je crus être victime de
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