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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre
Autoren: Hugues De Queyssac
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toute attente, il m’accueillit fraîchement, et examina mon mantel et mon surcot noirs. Puis il se fendit d’un large sourire qui révéla des dents ébréchées et un peu grises qu’il ne devait pas frotter souventes fois au bâton de reuglisse.
    « Messire Brachet de Born ! Ainsi c’est vous, le Chevalier noir dont les exploits sont chantés par nos troubadours ? Celui que redoute tant le prince Édouard ? Est-il vrai que vous ayez mené à moult reprises embuscades solitaires et escarmouches sanglantes qui auraient décopé plusieurs compagnies d’archers anglais ? »
    Sur le point de lui demander s’il avait aussi entendu parler de la Dame blanche, je me ravisai, ne lui rendis pas son sourire, mais précisai :
    « Ils n’étaient pas anglais. Ils étaient du pays de Galles. Et je n’étais point seul. Mes archers paysans maniaient aussi bien l’arc que les coutiliers anglais jouaient de la miséricorde. Il est vrai que nous fîmes grand foison de ces Têtes de bûche.
    « Nous les surprenions par tout temps, tapis dans les ronces et les broçailles ou perchés dans les arbres, à l’affut dans les forêts les plus noires et les plus épaisses, dans des gorges profondes et des vallées étroites, surgissant du brouillard, de la pluie, du vent ou de la neige. Comme des fantômes, nous fondions sur nos proies, dans le silence ou en hurlant, pour les tailler, les décerveler, les décoler, les saigner, achever les blessés sans merci…
    — Aaah ! Magnifique ! s’exclama-t-il. C’est prodigieux !
    — Nous les acculions dans des marais, dans des sables mouvants où ils furent engloutis dans d’atroces bruits de succion, poursuivis-je, pour voir jusqu’à quel point il goberait les excès et autres invraisemblances de mon récit.
    « Plus ils se débattaient, plus vite ils étaient aspirés par les entrailles de la terre et disparaissaient à tout jamais sans laisser de trace de leur passage. Que de crimes et de perfidies avons-nous commis !
    — Gardez-vous d’y voir le moindre crime ou la moindre perfidie, messire Brachet, mais juste guerre. Les Godons n’ont-ils pas vendangé notre contrée en de folles chevauchées ?
    — Et massacré ou capturé nos meilleurs chevaliers lors de folles batailles rangées. Làs, depuis Crécy et Maupertuis, l’esprit de chevalerie est bien mort, messire capitaine. C’est peut-être regrettable, mais c’est ainsi ! affirmai-je en observant son visage chevalin, son nez aquilin aux narines dilatées, une bouche dont la lèvre inférieure pendouillait goulûment, ses cheveux qui filochaient sur les épaules. Il ne devait pas s’entraîner régulièrement au poteau de quintaine, à voir son ventre replet et ses doigts potelés. Il ne renonça pourtant pas à satisfaire sa curiosité :
    « On dit que messire Du Guesclin, un chevalier de Bretagne, est sur le point de bouter tous les Anglais hors du royaume depuis qu’il a adopté votre science du combat, en fuyant ces terribles engagements qui ont bien failli conduire notre duché et le royaume tout entier à leur perte. L’avez-vous côtoyé ? me demanda-t-il, avide de sensations fortes.
    — J’ai combattu à ses côtés à la bataille de Cocherel. Par Notre-Dame Guesclin, quelle victoire !
    — Est-il aussi laid qu’on le dit ? Aussi redoutable fossoyeur de Godons que le chante la légende qui se répand ?
    — Plus laid, plus monstrueux et plus vaillant encore ! Un grand capitaine comme nous n’en avons pas connu depuis des lustres. Et économe de la vie de ses soldats.
    Il se dit aussi qu’il serait prochainement élevé à la dignité de connétable de France par notre roi Charles ?
    On le dit, on le dit… Mais, veuillez pardonner, messire capitaine. Je ne me suis point rendu sur l’heure en ces lieux pour discourir de l’état du royaume ou de faits d’armes. Nous reprendrons ce fort intéressant échange de vue dans quelques jours. Lorsque j’aurai mené à bonne fin quelque affaire préparée de longue date », dus-je trancher pour abréger une conversation qui risquait fort de s’éterniser et qui me pesait d’autant plus qu’elle me remémorait des souvenirs sanglants et moins magnifiques qu’il s’était plu à le croire.
    Je souhaitais par-dessus tout éluder les questions que je sentis venir sur “ l’affaire préparée de longue date ”.
     
    L’homme se remochina lorsque je l’interrogeai sur la présence des gardes apostés à l’entrée du
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