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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre
Autoren: Hugues De Queyssac
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quelque décoction hallucinogène savamment distillée que ma tendre épouse, celle qui fut la fleur de ma vie, aurait pu me faire boire à mon insu. Sous le fin collier de barbe qui encerclait son visage, je venais de découvrir l’homme qui avait conduit ma sœur Isabeau de Guirande et mon épouse Marguerite sur le bûcher dressé place de la Pénitence en la ville de Toulouse ! Par décision du tribunal de la sainte Inquisition qu’il présidait alors en grande pompe. Elles avaient été accusées de sorcellerie et d’hérésie et condamnées à être brûlées vives pour avoir refusé d’avouer lorsqu’elles avaient été soumises à la question !
    Qui donc avait pu me trahir et informer ce tourmenteur, aussi outrecuidé, de mes dispositions ?
    Il rugissait à présent à oreilles étourdies :
    « … Répondre des chefs d’accusation d’hérésie, de meurtre et d’empoisonnement ! Crimes qui vous conduiront sur le bûcher en place publique ! »
    J’en restai coi. Que signifiait cette piperie ? Nous n’étions plus rendus au jour de la fête des fous ! Ni à Mardi-gras ! Une telle batellerie ! Les formidables investigations auxquelles je m’étais livré depuis vingt-deux ans, les preuves, les témoignages que j’avais patiemment accumulés se retourneraient-ils diaboliquement contre moi ?
    J’eus peur. Non point par crainte de la mort. Pour l’avoir côtoyée moult fois sur les champs de bataille ou ailleurs, je ne la craignais plus. Mais bafouer mon honneur pour étouffer la vérité… Rares étaient ceux qui l’avaient tenté sans le payer de leur vie.
    Il n’en allait plus de même céans, car je ne donnai pas cher de ma propre peau face à une vingtaine de guisarmes dont les tranchants brillaient d’un bel éclat mortel.
     
    Comment avais-je pu me précipiter ; tête baissée, dans ce guêpier ?
    Le loup que j ’ étais devenu était fait comme un rat. Une forte envie de raquer me saisit la gorge.

 
    Tout l’art de la guerre est basé sur la duperie. C’est pourquoi, lorsque vous êtes capable, feignez l’incapacité ; actif, la passivité. Proche, faites croire que vous êtes loin, et loin, que vous êtes proche. Appâtez l’ennemi pour le prendre au piège ; simulez le désordre et frappez-le.
     
    L’art de la guerre, Des supputations préliminaires ,
    Sun Tzu, général de l’Empire du Milieu entre l’an 400 et 320 av. J. -C.
    Chapitre 2
    À Commarque, en l’an de grâce MCCCXLVIII, à trois jours des ides de novembre {5} .
    Des manicles de cuir et ferrées de mailles pesaient de tout leur poids sur mes épaules pour me forcer à m’agenouiller sur un prie-Dieu devant le grand Inquisiteur général du tribunal de l’Ombre. Face à des inconnus cagoulés.
    « Par Saint-Denis ! Lâchez-moi ! hurlai-je.
    — Messire ! messire Bertrand ! Par Saint-Benoît ! Quittez ce mauvais songe qui vous met en fol émeuvement et grande colère ! » m’intima une voix venue d’outre-tombe.
    Le corps en suance, les muscles aussi tendus que les crins d’une arbalète bien bandée, j’ouvris les yeux sur une forme dont je ne distinguai les traits que lorsqu’ils furent accoutumés à la pénombre de la pièce.
    Marguerite, ma tendre épouse, les cheveux en bataille, me chevauchait assise à califourchon sur mon bassin, le corps entièrement dénudé. Elle m’avait saisi les épaules et les agitait pour tenter de me soustraire à la poigne de gens d’armes imaginaires.
    La falote lumière d’un calel posé plus loin, dans son dos, sur ma table de travail, découpait son visage dans la pénombre, son col, ses épaules, et je devinais plus que je le voyais son buste offert à mes caresses, à portée de main.
     
    Dressé séant, hagard, je jetai un regard inquiet autour de moi : les quelques meubles, les tapisseries de basse-lice tendues sur les murs, les dernières braises qui rougeoyaient dans l’âtre, tout ce décor m’était pourtant familier.
    Je trônai bien dans la chambre que le bon chevalier Guillaume de Lebestourac avait mise à ma disposition quelques mois plus tôt, depuis mon arrivée en ce village de Commarque en compagnie de Marguerite (je ne l’avais point encore mariée en ce temps-là) et de mon féal sergent d’armes, René le Passeur.
    Le décor n’était point celui de la salle capitulaire de l’ancienne commanderie templière que nous avions découverte lors de notre expédition dans les souterrains qui reliaient les forteresses de
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