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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre
Autoren: Hugues De Queyssac
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    Généralement, celui qui occupe le terrain le premier et attend l’ennemi est en position de force ; celui qui arrive sur les lieux plus tard et se précipite au combat, est déjà affaibli.
     
    L’art de la guerre, Des points faibles et des points forts d’une armée en campagne, Sun Tzu, général de l’empire du Milieu entre l’an 400 et 320 av. J. -C.
    Chapitre 1
    À Commarque, vingt-deux ans plus tard, en l’an de grâce MCCCLXX {2} , au treizième jour du mois de septembre, peu de temps avant que messire Bertrand Du Guesclin ne soit élevé à la dignité de connétable de France.
    Le jour des ides de septembre, vers l’heure des matines, l’air était doux. Sec, mais doux. Un léger vent d’autan soufflait depuis une semaine sur la comté du Pierregord.
    Saisi par un mauvais pressentiment, j’avais tiré du lit mes deux écuyers, Onfroi de Salignac et Guilbaud de Rouffignac, sans ménagement, bien avant le lever du jour. Puis, vêtu d’un simple surcot et d’un mantel à mes armes, j’avais scellé moi-même Ténèbres, mon destrier noir, produit d’un croisement entre le splendide étalon arabe que m’avait offert la princesse Échive de Lusignan et une robuste jument normande. Nous avions quitté le château de Rouffillac tôt le matin, et chevauché tantôt au pas, tantôt à brides avalées vers le village fortifié de Commarque.
    Lorsque nous parvînmes aux approches de la vallée de la Beune, nous aperçûmes au loin la forteresse dont le donjon avait été rehausté quinze ans plus tôt.
    La bannière, coupé d’argent à deux chiens braques de sable passant et contrepassant l’un sur l’autre, et d’azur à trois lys d’argent des Brachet de Born, claquait au vent. Onfroi de Salignac, l’un de mes plus fidèles écuyers, mon ami et compain d’armes, l’arborait sur la hampe de sa lance, maintenue droit sur l’arçon. Il la tenait fermement en main dans son gantelet de fer.
    Les fougères et les feuilles des châtaigniers brunissaient, celles des hêtres, des charmes et des chênes qui bordaient notre route résistaient encore vigoureusement aux premiers coups de vent des approches de l’automne.
    Quelques vieux manants, paysans ou bergers qui vaquaient à leurs travaux d’automne, nous saluèrent au passage en décoiffant leur chapeau de paille ou leur bonnet de laine. Ce témoignage de leur reconnaissance, en souvenir des terribles épreuves que nous avions vécues ensemble entre le printemps et l’automne 1348, me toucha droit au cœur, qu’à la parfin je ne devais pas avoir aussi dur que je me plaisais à le croire.
     
    Sur la sente qui menait à travers pechs et combes à la barbacane de la forteresse, nous avancions au pas. Une drolette surgit au milieu du chemin. Je levai la main dextre et fermai les doigts sur les brides de Ténèbres de l’autre, pour m’approcher d’elle.
    Elle était belle, une douzaine d’années peut-être. Blonde, les cheveux dénoués, des yeux vert émeraude sur un visage qui ne manquait pas de charme. Elle me fit aussitôt penser à ma sœur Isabeau de Guirande que j’avais entrevue dans ce songe incroyable, dans une grotte de cette vallée, en ce glacial hiver de l’an de grâce 1345 {3} . Sans avoir encore eu l’heur de l’accoler.
    « Puisse… puisse, vô-vô-vôtre Grâce me pa-pardonner, messire ! » babilla-t-elle, blèze, les joues aussi rouges que des peneaux l’été, en me tendant un panier à bout de bras.
    Arrivé à sa hauteur, je sautai à terre : elle me présentait un modeste panier d’osier couvert d’une pièce de couleur. Sans dire un autre mot, un tendre mais timide sourire sur les lèvres, quelques perles d’émeuvement sur le front, elle souleva le tissu et m’offrit six œufs. Six œufs dont la coquille avait cette belle couleur jaune du grain que nos poules picorent à longueur de journée en nos basses-cours. Dieu, qu’elle ressemblait à ma gente fée aux alumelles ! J’en fus profondément troublé ; tant de souvenirs d’un passé lointain rejaillissaient si soudainement !
    « Qu’ai-je fait pour mériter pareille offrande, gente damoiselle ? lui demandai-je en lui rendant son sourire.
    « Pardonnez grande hardiesse d’une petite fétote comme moi, messire Brachet de Born ! Mais, s’il est vrai que les temps sont durs pour de pauvres vilains comme nous, mes parents vous bénissent tous les jours. Onques, ils n’oublieront ce que vous avez fait pour eux.
    — Comment diantre
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