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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre
Autoren: Hugues De Queyssac
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moult détails de la bonne fin de l’organisation de mon tribunal, et confirmé la présence de tous les intéressés, le jour dit. À l’heure dite, Il devait nous rejoindre le surlendemain. Pour l’exécution capitale.
    Car le jugement serait sans appel. Sans que le condamné puisse onques espérer une mesure de clémence de ma part, ou de grâce en le conseil du Roi. Il serait saisi par un exécuteur des basses œuvres et contraint de poser son cou sur le billot pour avoir le chef décolé par mon capitaine d’armes lui-même. La peine de mort serait administrée céans, de crainte que quelque perfide traîtrise ne lui épargne le sort que je lui avais réservé.
     
    Il est vrai que l’écuyer que j’étais en l’an 1345, encore naïf, imbu de fin amor, d’idéal courtois, de récits de chevalerie, toujours en quête de son Graal personnel, était brutalement passé de l’adolescence à la maturité sous le poids des événements et des responsabilités qui l’avaient accablé trois ans plus tard, entre l’été et l’automne de l’an de disgrâce 1348.
    Le simple écuyer du baron Fulbert Pons de Beynac que j’étais alors avait été adoubé sur le champ de bataille par deux vaillants chevaliers. L’un avait, làs, rendu son âme à Dieu quelques années plus tard. Mais, en étant confronté au fil des ans à la bassesse et à la vilénie d’aucuns parmi les maîtres du monde, j’avais perdu les illusions chevaleresques de ma jeunesse et tout esprit de mansuétude.

    Sur l’heure, un dernier doute m’assaillit : le criminel, le meurtrier était-il bien celui auquel j’avais tendu ce piège ? “ Peu me chaut, me dis-je, je ne tarderai pas à être fixé. ” Si tout se passait comme je l’avais prévu, aurais-je dû ajouter.
     
    Je priai mes fidèles compains d’armes, Guilbaud et Onfroi, que je chérissais comme des frères que je n’avais pas eu l’heur d’avoir, de se rendre en la maison forte du chevalier Guillaume de Lebestourac qui m’avait fait savoir que la chambre même qui m’avait accueilli autrefois et qui avait abrité mes premières nuits d’amour avec ma gente Marguerite, leur était réservée.
    Celle qui était devenue alors ma bien-aimée épouse par-devant Dieu s’en était d’autant mieux accommodée que ledit chevalier s’était rendu à la force de ses arguments : elle l’avait fort adroitement amené à délaisser les caresses contre nature de ses écuyers pour se rabauder avec les saveurs paillardes d’une personne du sexe opposé, en glissant adroitement Honorine dans sa couche. Honorine, la plus ribaude des servantes préposées aux cuisines du château, la plus prompte à s’escambiller ! Le chevalier de Lebestourac avait, deci en avant, succombé aux charmes de cette diablesse succube dont il ne cessait de se repaître, m’avait-il avoué en ce temps-là…
     
    Ce fut d’un pas déterminé, bien que prudent en raison de l’escarpement particulièrement roide du terrain, que je me dirigeai vers l’entrée de la crypte sise en contrebas sous la chapelle Saint-Jean.
    Deux sergents, qui arboraient sur une cotte d’un jaune pisseux passée sur un jupeau d’armer les armoiries de quelque maison qui m’était inconnue, montaient la garde, lances croisées, devant le passage. Plutôt que de m’étonner de la présence de soldats qui n’appartenaient ni aux barons de Beynac ni aux seigneurs de Commarque, j’eusse dû m’en inquiéter. Je ne le fis pas. J’eus grand tort.
    « Votre épée, messire ; veuillez nous remettre votre épée : vous n’êtes pas sans savoir qu’une tradition séculaire interdit de franchir en armes un passage sous un autel consacré à la célébration de l’eucharistie, sous peine d’excommunication ! » m’intima l’un d’eux, non sans arrogance, en posant des yeux de poisson crevé sur mon mantel.
    Certes, l’interdiction nous l’avions bravée à moult reprises sans que quiquionques eussent été excommuniés : une première fois bien innocemment, lorsque Marguerite, René le Passeur et moi avions rejoint le village fortifié par les voies souterraines qui reliaient les deux forteresses de Beynac et de Commarque. Une ; autre fois, en toute connaissance de cause, lorsqu’un échelon de chevaliers et d’écuyers ennemis avait tenté d’investir la place sous la conduite de Raoul d’Astignac, celui-là même qui avait eu la charge de la défendre.
    Ce félon capitaine d’armes, que j’étais
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